De la mine à la toile pour un art populaire
Les Peintres au charbon de Lee Hall
Paris paris, Théâtre Artistic Athévains jusqu’au 22 décembre 2010
En 1934, dans la cité minière d’Ashington, située au Nord – Est de l’Angleterre, une initiative “ d’éducation ouvrière ” engage un groupe de mineurs à une sensibilisation à la perception des œuvres artistiques à travers la peinture, à défaut d’une formation à l’économie. Avec l’aide et l’engagement du professeur Robert Lyons de l’Armstrong Collège et de l’Université de Newcastle, ces hommes sans culture découvrent les différentes approches d’une œuvre, puis, encouragés, s’engagent eux-mêmes dans la création picturale, au point de former un mouvement connu sous le nom d’Ashington Group qui perdure jusqu’en 1984.
A partir de cette histoire authentique, le critique d’art, William Feaver, a écrit un roman, The Pitmen Painters, dont s’est directement inspiré le scénariste et dramaturge anglais Lee Hall, surtout connu pour son scénario du film de Stephen Daldry, Billy Elliot, adapté ensuite en comédie musicale avec les musiques d’Elton John. Pour cette première version en langue française, Marion Bierry, déjà familière de l’auteur qu’elle a contribué à faire connaître en 2003 lors de sa création de La Cuisine d’Elvis, livre une adaptation qui resserre le propos et recentre les personnages.
On retrouve les prolos Jimmy Floyd, investi avec passion dans l’aventure (Bernard Ballet), Olivier Kilbourn, le plus doué d’entre eux (Robert Bouvier), Georges Brown, homme de rigueur (Jacques Michel), Harry Wilson, marxiste convaincu (Eric Verdin) et Le P’tit gars, jeune pousse espérant du boulot (Arthur Vlad) qui deviendront artistes avec l’aide de leur mentor Robert Lyons (Thomas Cousseau). Chaque personnage révélant sa personnalité en fonction de sa perception et de son investissement dans l’acte artistique et dans les débats qu’il suscite, en apportant à chacun “une connaissance de soi.” Si la réalité de leur condition sociale reste constamment présente et inspire leurs œuvres, celle-ci se traduit tout autant dans leurs réactions face à l’arrivée d’un modèle de “nu académique ” (Carin Martin) ou dans la tentation du marché de l’art à travers les propositions d’une riche mécène (Odile Roire), que dans leurs manières de concevoir leurs créations ou de définir leurs relations avec les maîtres de l’impressionnisme et de l’abstrait.
Ainsi, sous l’aspect d’une comédie savoureuse, s’engage un débat sur le rôle et la fonction de l’art qui pointe sans didactisme les questionnements soulelés. Parfois d’une manière naïve ou cocasse, répondant au contexte de ses situations et de ses péripéties, avec un souci de clarté à laquelle contribue la traduction vivace et tonique de Fabrice Melquiot (L’Arche éditeur) dont les accents restituent la connotation sociale judicieusement souhaitée par Lee Hall. Au cœur du dispositif sobre et modulable de Gilles Lambert, accompagnant localisations et temporalités, la mise en scène de Marion Bierry restitue avec intelligence et sensibilité les enjeux métaphysiques, sociaux et politiques inscrits dans cette épopée singulière. Sans esbroufe ni tentation du spectaculaire mais avec une fine maîtrise qui rejaillit sur l’ensemble d’une interprétation de choix, la qualité du spectacle exprime avec bonheur l’humanité des protagonistes et invite à l’empathie.
Les Peintres au charbon de Lee Hall, traduction Fabrice Melquiot, adaptation et mise en scène Marion Bierry, avec Bernard Ballet, Robert Bouvier, Thomas Cousseau, Carine Martin, Jacques Michel, Odile Roire, Eric Verdin, Arthur Vlad. Scénographie et costumes Gilles Lambert, lumières Laurent Junod, son Cédric Liardet. Durée : 1 h 40. Théâtre Artistic Athévains, Paris, jusqu’au 22 décembre 2010.
