Biennales Internationales du Spectacle - Nantes les 16 et 17 janvier 2008

La démocratisation culturelle, entre mythe et réalité

Grand débat animé par Bruno Tackels, journaliste

La démocratisation culturelle, entre mythe et réalité

Sept importants acteurs du secteur culturel se sont réunis ce matin, autour du journaliste Bruno Tackels, afin de repenser la délicate question de la démocratisation culturelle. Il s’agissait aussi d’imaginer de nouvelles pistes de mise en application de cette « généreuse idée » qui se heurte aujourd’hui, parfois violemment, à certaines mutations sociales et politiques de fond. Morceaux choisis.

Les arts (sur)vivants, entre culture de masse et « pipolisation »

La lettre d’objectifs récemment adressée à la ministre Christine Albanel par le président Sarkozy a par exemple été unanimement identifiée comme symptomatique de ce bouleversement nuisible pour la culture. Pour Jacques Blanc, notre secteur souffre de la comparaison avec une culture de masse produite dans une logique de résultats précis, quantifiables et bien entendu rentables. Non sans une certaine virulence, il ajoute même que « la politique était un art et est en passe de devenir un business. Il est donc logique que la politique cherche à faire de la culture un business. » Après avoir unanimement rejeté cette logique du résultat, totalement inadaptée et contraire à un quelconque objectif de démocratisation, chacun a souligné à sa façon la nécessité d’une culture vivante, exigeante et accessible à tous. Pour Jean-Jack Queyranne, la revendication gouvernementale d’une « politique de civilisation » est d’autant plus paradoxale que l’Etat donne le mauvais exemple par sa tendance à dévaloriser ses grandes institutions telles l’éducation et la culture. S’il n’a pas nié l’influence potentiellement néfaste sur le plan symbolique de ce fameux courrier, Thierry Pariente a toutefois tenu à dédramatiser sa portée réelle. Un brin provocateur, il l’a ainsi qualifiée de « didascalie de la politique culturelle ». Les didascalies précisent les désirs de l’auteur en termes de mise en scène et d’interprétation, c’est ensuite aux acteurs d’essayer de les respecter, en les interprétant parfois et si nécessaire… en les oubliant.

Médiation versus fantasme de « l’homme autoconstruit »

Une autre difficulté de taille, mise en avant par Jacques Blanc, nous ramène à l’individu et appelle à repenser et à réadapter les politiques de démocratisation culturelles. Il s’agit des conséquences de la numérisation des contenus : aujourd’hui de nombreux jeunes passent de plus en plus de temps devant leur écran d’ordinateur et nagent en plein fantasme de l’homme autoconstruit, en rejetant toute médiation. Pour reprendre les mots de Françoise Benhamou « les jeunes souhaitent un rapport direct aux choses ». L’ère du lecteur MP3, du peer-to-peer et de la vidéo à la demande inquiète. Dans un tel contexte, quelle place reste-t-il pour celui qui invite à s’ouvrir, à découvrir de nouvelles choses, à sortir de ses propres sentiers battus ? Plus optimistes, certains intervenants voient dans ces réalités propres à notre époque des pistes de réflexions intéressantes et encourageantes. Ainsi, selon Jean-Jack Queyranne, « le virtuel renvoie à la présence du réel de l’art et même immergés, les jeunes ont toujours, et peut être même encore plus, besoin d’un vrai contact avec l’art et les artistes ».

De la réflexion à l’action

L’ensemble des intervenants du débat se sont accordés sur le fait que les politiques de démocratisation culturelles devraient être recentrées sur l’individu et ses spécificités. Ainsi, d’après Jean-Claude Wallach « il ne faut pas chercher à dresser des remparts pour nous protéger de la culture de masse mais concentrer les efforts sur une individualisation du rapport à la culture. » Pour Jacques Blanc, cette question est d’autant plus vive et urgente à résoudre que des dispositifs tels que les plateformes de téléchargement par exemple feraient de leurs utilisateurs « un troupeau grégaire d’égos » persuadés d’être libres, mais en réalité profondément conditionnés dans leurs choix et dans leurs goûts. Dans cette logique, et sans pour autant rejeter ces nouveaux outils, il s’agirait dès lors de trouver « comment passer de la grégarité à la singularité », en trouvant les bonnes manières d’accompagner, d’élargir et d’enrichir ces nouvelles logiques de choix, tout en misant sur la « générosité des artistes » pour continuer à transmettre au public le goût du contact direct avec l’art.

Grand débat animé par Bruno Tackels, journaliste,
Avec la participation de Jean-Marc Bador, directeur de l’orchestre de Bretagne, Françoise Benhamou, professeur à l’université de Rouen et chercheur au centre d’économie de la Sorbonne, Jacques Blanc, directeur du Quartz, scène nationale de Brest, Robert Lacombe, consultant, Thierry Pariente, délégué au théâtre de la DMDTS, Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional Rhône Alpes et Jean-Claude Wallach, consultant culturel.

A propos de l'auteur
Géraldine Oury

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