Critique – Opéra & Classique

La conférence des oiseaux de Michaël Levinas

Poésie et musique à tire d’ailes

La conférence des oiseaux de Michaël Levinas

Aux Bouffes du Nord qui était alors son théâtre, Peter Brook avait dès 1979 donner forme et vie à ce joyau de la littérature persane signé au XIIIème siècle par Farid Al-Din Attar. Jean-Claude Carrière en avait conçu une version en langue française.
Version que le compositeur Michael Levinas a commencé de mettre en musique il y a près d’un quart de siècle. Il a toujours aimé ce type de transfert sur une œuvre littéraire, il l’avait notamment subtilement réussi en 2015 avec une Métamorphose extraite de Kafka (voir WT 4674).

Ici, c’est une histoire d’oiseaux, un conte philosophique qui pépie en battant des ailes, des mots mis en notes, du théâtre mis en musique. Il y a l’oiseau chef, une huppe autoritaire qui veut rameuter l’ensemble de la population volatile pour qu’elle prenne son envol à la recherche de son souverain, un certain roi Simorgh. Qui au final ne sera pas celui imaginé ou espéré mais une résonnance mystique que chacun devra découvrir en soi.

Lilo Baur a axé sa mise en scène sur une symbolique qui transcende les espaces sonores et visuels. En papier blanc les oiseaux sont accrochés aux pupitres des musiciens, et, en fond de scène ils forment un petit cheptel emplumé gazouillant sur des barres flexibles.

Sous la direction légère et précise de Pierre Roullier, les musiciens de l’ensemble 2e2m ont métamorphosé leurs instruments en émissaires de la gent ailée, la contrebasse, la harpe, la flûte, le cor et le saxo s’associent pour, ensemble, réinventer leurs jacasseries, caquetages, sifflements et autres babils. Jusqu’au silence qui soudain prend une dimension sonore inattendue. Un narrateur commente leurs résonnances, les explique, les habille. Il se faufile entre les rangs d’orchestre, il tient à la main un livre tout en lumières qu’il ne lit pas. Calme, quasi serein, Hervé Pierre, sociétaire de la Comédie Française, lui prête sa barbe sage et les veloutés de sa voix.

Lucas Hérault, comédien, danseur, acrobate devient, au gré des scènes, corbeau, rossignol, pigeon, perruche et prête à chacun d’entre eux les souplesses malignes de ses bras, de ses jambes et de son cou dressé en rapace.

Tous sont au service de Raquel Camarinha, Huppe altière et arrogante, dont la soprano portugaise fait exploser des aigus à la fois rageurs et cristallins. Brune, fine de silhouette comme de voix, elle prête son élégance naturelle et son autorité à son personnage de meneuse.

Son vol dure à peine une heure. Le temps d’une conférence planante. Elle passe comme un coup de vent printanier qui vous soulève et vous emmène au-delà des nuages.


La conférence des oiseaux, musique et livret de Michaël Levinas d’après le conte persan de Farid Al-Din Attar adapté par Jean Claude Carrière. Ensemble 2e2m, direction Pierre Roullier, mise en scène Lilo Baur, décor Bernadette Baudet & Jean-Pierre Van Wambeke, costumes Agnès Falque, lumières Gilles Gentner. Avec Raquel Camarinha, Lucas Hérault, Hervé Pierre.

Théâtre de l’Athénée du 6 au 11 avril à 20h
01 53 05 19 19 – www.athenee-theatre.com

Photos Pascal Chantier

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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