Paris-Théâtre 14 Jean-Marie Serreau jusqu’au 3 janvier 2009
Jacques et son maître de Milan Kundera
Le voyage des séducteurs
Qu’est-ce qui appartient à Diderot ? qu’est-ce qui appartient à Kundera ? L’écrivain tchèque s’est librement inspiré de Jacques le Fataliste et a même intégré d’autres emprunts faits à Diderot, mais c’est quand même une pièce de Kundera. A travers l’errance au présent et au passé, en direct et dans l’évocation de la mémoire, c’est toute une réflexion qui se déploie et rappelle les thèmes favoris de l’auteur : la violence de l’amour et sa brièveté, les relations du sentiment et du jeu social, la vie vécue en équilibre entre le souvenir et l’action. De ville en ville, passant de la rue à l’intérieur de demeures, les deux héros parlent beaucoup de femmes. Qui, dans la séduction, est le maître ? Le seigneur ou le valet ? Ainsi va cette flânerie un rien libertine, très philosophique, souvent rêveuse.
C’est la seconde fois que Nicolas Briançon monte Jacques et son maître. Pour mieux visiter l’œuvre, en faire entendre toutes les tonalités. Evitant l’efficacité immédiate de la comédie classique, il réussit un spectacle d’une belle ambiguïté, dont le charme repose sur son caractère multiple et incertain. Il est lui-même un valet malicieux et corrosif, tandis qu’Yves Pignot est, dans un égal sens de la duplicité, le maître, massif, souverain et enfantin. Les autres comédiens assurent de belles apparitions dans les alvéoles, les différentes aires que le décor de Pierre-Yves Leprince dessine dans un climat volontiers nocturne. Un voyage dans l’esprit et le temps toujours intelligent.
Jacques et son maître de Milan Kundera, mise en scène de Nicolas Briançon, décor de Pierre-Yves Leprince, avec Yves Pignot, Nicolas Briançon, Nathalie Roussel, François Siener, Patrick Palmero, Sophie Mercier, Ingrid Donnadieu, Alexandra Naoum, Philippe Beautier, Yves Bouquet. Théâtre 14-Jean-Marie Serreau, tél. : 01 45 45 49 77, jusqu’au 3 janvier (2h).
Crédit photo : Laurencine Lot
