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Dom Juan ou le festin de pierre

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Dom Juan ou le festin de pierre

Dans la catégorie exercice imposé, cette pièce de Molière figure en bonne place. On peut en effet lui faire dire tant de choses à ce Dom Juan, personnage provocateur et complexe. Anne Laure Liégeois, qui s’y aventure à son tour, résume bien l’enjeu. Dans une note d’étape jointe au dossier de presse, après avoir évoqué les diverses réponses possibles à la question "pourquoi monter Dom Juan aujourd’hui ?", elle observe : "la réponse est rapide car la question ne se pose pas ! La pièce de Molière reste en suspens. Elle est "ouverte". Son sens n’est ni clair, ni univoque." Autrement dit, Dom Juan, ce n’est pas seulement une pièce parmi d’autres, c’est l’essence du théâtre. En conséquence de quoi, Anne Laure Liégeois bouscule tout ce qui pourrait subsister comme idées reçues sur la pièce en question.

Dom Juan en déménageur, Sganarelle en ado baba

Passons sur le fait que ses interprètes aient des costumes tout ce qu’il y a de plus contemporain. Ce n’est ni original, ni bouleversant. Passons également sur un plateau qui ressemble à une cour de récréation, avec comme base de décor des bancs. Ce brouillon de scénographie est fait pour attiser l’imagination. Cela s’est déjà vu. Ce qui est plus inattendu, c’est que les comédiens, pour la plupart d’entre eux, n’ont pas vraiment le physique de l’emploi. A commencer par Dom Juan (Christian Caro) qui a une allure et des manières de déménageur, fort éloignées de l’idée que l’on se fait communément de Dom Juan, séducteur de légende. S’il n’est pas totalement convaincant, d’autres interprètes tirent singulièrement leur épingle du jeu. Olivier Dutilloy, avec ses mines d’adolescent baba, est ainsi un Sganarelle peu banal, apportant une stature inattendue à ce personnage tout en contradictions, tantôt soumis à son maître jusqu’à la veulerie, tantôt exprimant avec véhémence la voix du sens commun face à des agissements scandaleux dont il est, par nature, le complice obligé. Léonore Chaix, elle, dont on n’oubliera pas le rire jaillissant, propose une Charlotte pas si naïve que ça. Sans oublier, Philippe Houriet qui traduit physiquement et de manière saisissante l’humiliation et la douleur du père de Dom Juan.

Contre-pieds, clins d’œil et références

Reste que ce qui frappe surtout dans ce spectacle c’est le foisonnement d’idées de mises en scène. Tout ici est prétexte à contre-pieds, clins d’œil, références. A ce titre, chaque scène mériterait d’être racontée et expliquée. De toute évidence, Anne Laure Liégeois a beaucoup à dire et à montrer. Surtout, elle ne manque ni de culture, ni d’humour. Et cela donne une fraîcheur et une fougue à une pièce qu’elle contribue finalement à nous faire découvrir avec un œil neuf. Ce qui n’est pas une mince performance. L’exemple le plus flagrant, c’est son idée de faire prendre en charge le personnage du Commandeur, ce mort envahissant toujours délicat à figurer, par le chœur de tous ceux que Dom Juan a croisé sur son chemin, ceux qu’il a donc plus ou moins bafoués et humiliés. Ainsi, chaque comédien, une fois sa scène achevée, reste sur le plateau et s’ajoute à cette version vox populi du Commandeur. Le revers de cette réussite, c’est sans doute qu’à trop vouloir en dire, Anne Laure Liégeois prend le risque d’abuser du signifiant, jusque dans les trouvailles les plus anodines. Du coup, certaines choses nous échappent, ce qui peut devenir déroutant. Ce n’est cependant pas une raison pour bouder son intérêt et son plaisir.

Dom Juan ou le festin de pierre, de Molière, mise en scène et scénographie d’Anne Laure Liégeois, avec Boris Alestchenkoff, Mathieu Besnier, Christian Caro, Léonore Chaix, Mathieu Dion, Olivier Dutilloy, Vincent Eyzat, Philippe Houriet, Anne Le Guernec, Yan Lheureux, François Pick, Sacha Saille, Isabelle Védie.
Créé au Festival de Montluçon, présenté à la Comédie de Clermont-Ferrand du 7 au 10 décembre, au Théâtre Jean Lurçat d’Aubusson le 16 décembre, au Fanal à Saint-Nazaire le 11 janvier, au Théâtre Firmin Gémier du 1er au 11 février, à la Coupe d’Or de Rochefort les 22 et 23 mars.

A propos de l'auteur
Stéphane Bugat

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