Dark was the night d’Emmanuel Meirieu.
Les éclats de soleil des abeilles dans les ombres de la misère du monde.
En 1977, rapporte le metteur en scène Emmanuel Meirieu, des astronautes se sont posé la question improbable de mise en contact avec des extra-terrestres, via des images, sons et mots.
A Cap Canaveral, une sonde nommée Voyager décolle pour l’espace à bord d’une fusée Titan. Elle emporte avec elle un disque d’or fixé sur sa paroi qui comprend 118 photographies prises sur la Terre, des salutations d’humains en 55 langues et 27 musiques, témoignages de notre espèce.
Parmi ces musiques, figure la chanson Dark was the night, cold was the ground. Son auteur, Blind Willie Johnson, est mort en 1949 dans la misère, refusé à l’hôpital parce qu’il était noir, pauvre et aveugle : « Quand notre monde aura disparu et que même notre soleil sera mort, il restera encore cette trace de nous avec la voix et la musique de Blind Willie Johnson, filant à 16km/seconde, dans une sonde spatiale, parmi les galaxies. »
Dark was the night emmène le public dans le Texas des années 20 jusqu’au lancement de Voyager, dans une forêt, à jardin, où l’on élève des abeilles et dans une autre, à cour, qui cache un cimetière abandonné, dévolu aux Noirs - pauvres et déshérités -, sur le bord d’une bretelle d’autoroute, où mugissent les moteurs de voitures et camions, éblouissant la nuit de leurs phares.
Espace de détritus et poubelle de la grande misère du monde, sacs en plastique voletant ou retenus à des grillages, déchets de la vie mise au rebut et réduite là. Les tombes disparues sous la terre et les décombres résistent tant bien que mal à une disparition programmée : des sauveteurs tentent leur re-découverte, dont un homme et son garçon qui aimerait retrouver la fameuse stèle du chanteur de blues et de gospel, un révérend évangéliste qui prêchait dans la rue - le fameux Blind Willie Johnson.
Dans l’autre forêt, se tiennent l’apiculteur et ses disciples, le fils même des astronautes de 1977 qui préparèrent le fameux disque d’or pour les extra-terrestres. Le fils vieilli n’a vécu que dans ce souvenir lumineux et inaltérable de son enfance, filmé par des parents passionnés qui l’aimaient.
Il a participé aux dessins, aux images en collant dessus des gommettes numérotées référencées.
Emmanuel Meirieu n’a pas son pareil pour édifier et construire des univers en déshérence, des ruines contemporaines qui disent et traduisent l’inacceptable de l’inhumanité d’un monde faillible.
Ses interprètes sont convaincants, des figures usées par la vie et l’existence immonde, chaleureux sur scène : Stéphane Balmino, François Cotrelle, Jean-Erns Marie-Louise, Nicolas Moumbounou, Patricia Pekmezian. Ils portent en eux la sagesse de l’expérience d’une profonde humanité à laquelle on est sensible, touché par la réserve et l’engagement dénonçant l’inacceptable et l’effroi.
La scénographie est une véritable installation plastique digne des expositions des plus grands musées - une imagination inventive et des effets de réel, la galaxie visible au loin, vierge encore.
Or, le théâtre est un peu le parent pauvre de ces lieux magnifiques de misère : la scène ne fait qu’égrainer une suite de monologues, distribués entre les personnages qui n’inter-agissent pas.
Le public, ébloui par la majesté visuelle de la fresque, embarque sur un Voyager un peu passif.
Dark was the night, texte et mise en scène Emmanuel Meirieu. Avec Stéphane Balmino, François Cotrelle, Jean-Erns Marie-Louise, Nicolas Moumbounou, Patricia Pekmezian. Musique originale Raphaël Chambouvet, décor Seymour Laval, Emmanuel Meirieu, costumes Moïra Douguet, lumière Seymour Laval, son Félix Muhlenbach, maquillage Emmanuel Gendrot, vidéo Emmanuel Meirieu. Du 8 au 14 décembre 2022 20h, au Théâtre des Quartiers d’Ivry - cdn du Val de Marne-, Manufacture des Oeillets 1, place Pierre Gosnat. Tél : 01 43 90 11 11 www.theatre-quartiers-ivry.com Le 10 janvier 2023, Quai des Arts Argentan. Le 12 janvier DSN Dieppe, Scène nationale. Les 17 et 18 janvier, Les Scènes du Golf Théâtre de Vannes et d’Arradon. Les 20 et 21 janvier, Théâtre L’Air Libre CPPC, Scène conventionnée Rennes. Les 24 et 25 janvier, Théâtre Malraux, Scène nationale Chambéry Savoie. Du 31 janvier au 4 février, Les Célestins, Théâtre de Lyon. Le 7 février, Théâtre Carré, Scène nationale de Château-Gonthier. Du 15 au 19 février, Comédie de Genève. Le 21 février, Maison des Arts de Thonon. Du 9 au 19 mars, Les Gémeaux, Scène nationale de Sceaux. Le 21 mars, Scène nationale de Bayonne.
Crédit photo : Pascal Gély.