Champ de bataille

Une structure traditionnelle

Champ de bataille

Une famille ordinaire. Des enfants ordinaires. Des conflits inévitables de génération. Ainsi se situe un mini-clan parents-enfants dans le monde d’aujourd‘hui.

Que peut faire un auteur lorsqu’il désire être lu ou écouté par le plus grand nombre de lecteurs ou de spectateurs ? Il convient que la plupart d’entre eux puissent plus ou moins se reconnaître à travers les personnages que l’écrivain lui présente. Donc de pouvoir s’identifier facilement aux êtres représentés, c’est-à-dire l’inverse de la distanciation que Brecht prônait pour conserver la possibilité d’analyser et de juger.

D’où la nécessité pour l’écrivain de privilégier l’émotion afin de réussir à entraîner à sa suite une majorité au cœur de l’histoire qu’il raconte, comme si elle était un reflet de l’universel à partir de thématiques qui concernent tout le monde. En l’occurrence, dans « Le champ de bataille  », la famille et l’éducation.

Cela présuppose que le raconteur a intérêt à se cantonner aux stéréotypes admis par un maximum de citoyens ordinaires aussi éloignés de la marginalité des plus démunis que de celle des plus nantis. Soit un échantillon basique de la classe moyenne aisée. C’est bien le cas du père (interprété par Thierry Hellin), qui est largué par l’allergie de son fils Paul à l’école en particulier et à toute autorité (joué aussi par Thierry Hélin). Une mère, Léa, absorbée par son métier, intervient avec bienveillance (à peine esquissée par l’auteur et l’acteur : c’est une femme). Une petite sœur, Elise, apparaît soumise et docile, c’est une fille (vaguement esquissée dans le texte). Des profs sont évoqués totalement obsédés par la matière et la discipline (en chœur épisodique). Un proviseur inconsistant se présente déphasé par l’évolution sociétale (caricaturé par le texte et le comédien).

Ces poncifs réducteurs font de chacun des protagonistes une sorte de symbole très occidentalisé de notre époque. La narration se développe avec les tensions croissantes de l‘incompréhension intergénérationnelle. Le couple se fissure. Pour que cela ne finisse pas en drame, il fallait, comme dans la littérature classique, un deus ex machina qui vienne relativiser tout cela et démontrer in fine que Paul, sous sa carapace de rebelle intransigeant, possède un cœur sensible.

Ce sera un événement extérieur, brusquement projeté en vidéo, celui des attentats terroristes et de Paris et de Bruxelles. L’ado, en effet sur place, se découvre capable de compassion envers une des victimes, au moment où son paternel, chamboulé, l’aperçoit. Happy end.

La salle a ri. Certains ont même eu la larme à l’œil. On a évoqué de fort graves problèmes : l’éducation au sein de la famille, les rôles parentaux, la compréhension entre adultes et progéniture, l’équilibre entre l’apprentissage de connaissances d’une part et l’humanité des relations entre individus et institution scolaire d’autre part. On n’a guère réfléchi à leur solution. A peine a-t-on posé les questions.

Michel Voiturier

08>09 juin 2022 Maison de la Culture Tournai (Be)
07>29 juillet 2022 12h25 11 Avignon (salle 3) Avignon off
Durée : 1h25

De Jérôme Colin
Adaptation et mise en scène : Denis Laujol
Avec Thierry Hellin
Collaboration artistique : Julien Jaillot
Scénographie : Denis Laujol
Création lumières : Xavier Lauwers
Création vidéo : Lionel Ravira
Coproduction : Théâtre de Poche, Cie Ad Hominem, Atelier Théâtre Jean Vilar (Louvain-la-Neuve), Central (La Louvière), La Coop et Shelterprod
Soutien : Taxshelter.be, ING et Tax-Shelter du Gouvernement fédéral belge
Aide : Ministère de la culture de la FWB – service du théâtre
Nomination : Prix Maeterlinck de la Critique 2020 dans la catégorie Meilleur seul en scène

Lire : Jérôme Colin, Le Champ de bataille, Paris, Allary, 2018, 240 p.
Tournée : Asspropro
Coproduction : Théâtre de Poche, Cie Ad Hominem, Atelier Théâtral Jean Vilar (Louvain-la-Neuve), Central (La Louvière), Coop
Soutien : La COCOF
Remerciements : Alice Olivier et Stéphane Arcas
Photo © Zvonock

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre » (2006-2021)....

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