ALCESTE de Chrstoph Willibald Gluck

La force de vie sous le règne de la mort

ALCESTE de Chrstoph Willibald Gluck

La mort, omniprésente dans la mise en scène de cet Alceste de Gluck par Olivier Py, prenait au soir de la deuxième représentation du jeudi 18 juin une force symbolique peu commune. Depuis la fosse d’orchestre, Marc Minkowski annonçait au public la mort, le matin même, de Franck Ferrari, baryton au large répertoire, inoubliable Escamillo, vu et entendu de très nombreuses fois à l’Opéra National de Paris. Il avait interprété le rôle d’Hercule lors de la création de cette même production en 2013. Il avait 51 ans.

Une minute de silence. La représentation prenait le goût du deuil. La mort devenait le personnage principal de cette tragédie lyrique d’amour conjugal qui par un revirement des forces divines, finit bien. Elle est partout cette mort qui guette chaque être dès son premier instant de vie. Dans les noirs et blancs des décors et costumes de Pierre-André Weitz , dans l’escouade de peintres dessinant à la craie blanche des motifs sur les murs couleur d’encre, puis les effaçant à l’aide d’une balayette comme pour faire le ménage de la vie qui vient de s’éteindre et remettre le tout à zéro. Pour repartir sur d’autres paysages.

La Mort : gainée de soie noire voltigeuse, elle danse au chevet d’Admète qui expire lentement sur son lit d’hôpital, elle poursuit Alceste qui, ne pouvant continuer d’exister sans l’homme qu’elle aime, a décidé de se sacrifier pour lui.

Mouvements perpétuels

On retrouve la mise en mouvements perpétuels de la production de 2013 (voir WT 3845 du 17 septembre 2013), les tableaux noirs d’écoliers où s’inscrivent aphorismes divers (« ni le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face »), les néons, les échafaudages mobiles, l’agitation « chorégraphiée » qui prend les couleurs de la musique de Gluck, et pour tout dire la marque de fabrique d’Olivier Py-poète qui fait s’enjamber les situations et les siècles en arabesques. Et la mutation inattendue de l’orchestre qui après l’entracte se retrouve sur scène laissant la fosse aux locataires de l’Enfer avec leurs crânes mis à nu.

L’orchestre lui aussi reste celui des Musiciens du Louvre Grenoble emporté en énergie et rigueur par son créateur et chef Marc Minkowski. C’est la distribution qui charrie les principaux changements. Seul François Lis continue d’incarner l’Oracle et une Divinité infernale. Franck Ferrari aurait dû être présent pour reprendre son Hercule prestidigitateur de music-hall. Stéphane Degout nouveau Grand Prêtre d’Apollon réussit un tour d’illusionniste pour passer d’un personnage à l’autre, réussissant une fois de plus un parcours sans faute dans son engagement dramatique, son impeccable diction et son timbre de baryton cuivré dont il maîtrise l’émission dans le moindre détail.

Pour Admète un choix heureux s’est porté sur le jeune ténor Stanislas de Barbeyrac que le syndicat de la critique musicale vient de sacrer « révélation lyrique de l’année ». Ex-Evandre dans la distribution d’origine, il met au service de ce monarque naïf et fou d’amour sa présence solaire et sa voix claire au legato poli. Mention spéciale pour la jeune Chiara Skerath, coryphée soprano toute en grâce.

Véronique Gens, mère, femme, amante, martyre

Le changement attendu était bien évidemment celui du rôle-titre où Sophie Koch avait déçu. Véronique Gens prend la relève et joue gagnante. Chevelure dénouée, longue silhouette errant à la poursuite de son destin, elle est Alceste, mère, femme, amante, martyre Elle la connaît bien, cette femme tragique malgré elle, elle s’est glissée déjà dans ses douleurs et ses espoirs à Aix-en-Provence, à Vienne… Elle sait comment en faire revivre les frémissements intérieurs jusqu’au bout des aigus dorés de sa tessiture de soprano.

Alceste de Christophe Willibald Gluck, livret de François-Louis Gand Le Bland du Roullet d’après Ranieri de Calzabigi. Orchestre et chœur des Musiciens du Louvre Grenoble, direction Marc Minkowski, chef de chœur Christophe Grapperon, mise en scène Olivier Py, décors et costumes Pierre-André Weitz, lumières Bertrand Killy. Avec Véronique Gens, Stanislas de Barbeyrac, Stéphane Degout, François Lis, Chiara Skerath, Manuel Nunez Camelino, Tomislav Lavoie, Kévin Amiel.

Opéra National de Paris – Palais Garnier, les 16, 18, 20, 23, 25, 28 juin, 1er, 5, 7, 9, 12, 15 juillet à 19h30.

08 92 89, 90 90 - +33 1 72 29 35 35 – www.operadeparis.fr

Photos Julien Benhamou

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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