Théâtre des Champs Elysées (Paris)

Semiramide

Mélodrame antique en noir et blanc

Semiramide

Il y a le Rossini des comédies buffa et des farces, du Barbier de Séville, de L’Italienne à Alger, du Voyage à Reims, du Comte Ory, de La Cenerentola ou autre Turc en Italie. C’est ce Rossini-là, pétulant, drôle, brillantissime, laissant libre cours aux imaginations qui est le plus volontiers représenté. Mais ce diable d’homme, ce faux paresseux, navigant entre cuisine et musique, composa plus de deux cents pièces diverses et pas moins de trente neuf opéras. Parmi lesquels figurent quelques sujets tragiques ou dramatiques comme Armida, Moïse en Egypte, Guillaume Tell ou encore Semiramide qui se font beaucoup plus rares sur les scènes du monde lyrique. Leur musique relève pourtant du même feu d’artifice et fait se succéder les mêmes numéros de bel canto qui défient les gosiers les plus aguerris. Semiramide n’avait plus été représentée à Paris depuis la reprise en 1981 d’une production de légende créée, l’été précédent, au Festival d’Aix-en-Provence. Belle idée donc de lui redonner enfin une chance dans ce même Théâtre des Champs Elysées.

Prises de pouvoir et imbroglio amoureux

Voici donc un authentique « melodramma tragico » inspiré d’une tragédie de Voltaire et mis en livret par Gaetano Rossi, une double histoire de prises de pouvoir et d’imbroglio amoureux. Où l’on voit Semiramide, reine de Babylone, après avoir empoisonné son époux avec la complicité du cupide Assur et fait exécuter son propre fils pour s’assurer seule du trône et de l’empire, tomber amoureuse du valeureux Arsace. Lequel se révèle, après bien des rebondissements, intrigues et complots, être l’enfant sacrifié, sauvé de justesse... Le fantôme du roi assassiné vient y mettre son grain de fantastique et les querelles amoureuses autour de la jeune Azema, aimée d’Arsace et d’Assur, apportent leur lot d’errances et de grands sentiments. La version présentée dans la mise en scène du Belge Gilbert Deflo comprend un final que Rossini avait rajouté pour les représentations parisiennes, avec un happy end où Semiramide, avant d’expirer pardonne à Arsace de l’avoir poignardée par erreur.

Des voix d’inégale valeur

A la tête de l’Orchestre National de France, l’Italien Evelino Pido met en superbe effervescence le lyrisme rossinien, dans ses éclats tout comme dans ses confidences, tout en ménageant ses chanteurs afin de ne jamais couvrir leurs voix. Celles-ci apparaissent d’inégale valeur : pour une Sémiramide dont l’excellente soprano bulgare Alexandrina Pendatchanska fait jaillir les vocalises comme des lancers de javelot, pour un Assur défendu en beauté par la basse Michele Pertusi qui en possède toutes les ombres, le reste de la distribution s’avère cahin caha : la mezzo Barbara di Castri n’a ni le timbre ni l’envergure exigés par le rôle travesti d’Arsace, Gregory Kunde, le ténor qui fut Enée dans Les Troyens de Berlioz au Châtelet, déçoit par la minceur de son souffle, Mariana Ortiz/Azema projette un timbre pâle.

Il est vrai que le manque de direction d’acteurs de Gilbert Deflo, le statisme auquel il condamne ses interprètes ne les aide guère. Gilbert Deflo est davantage un visionnaire de l’espace qu’un meneur d’hommes et l’écrin qu’il a construit avec William Orlandi, auteur des décors et des costumes, est en revanche de toute beauté. Du marbre noir scintillant au sol comme un miroir, un autel qui devient tombe ou trône impérial, des murs qui grimpent en voûte et des jeux de lumière rasante où les chœurs alignés en statuaires... Le tout formant une sorte de symphonie en noir et blanc que seule la cape royale de Semiramide vient tacher d’écarlate.

Semiramide de G. Rossini, livret de G. Rossi d’après Voltaire, Orchestre National de France,chœur du Théâtre des Champs Elysées, direction Evelino Pidò, mise en scène Gilbert Deflo, décors et costumes William Orlandi, lumières Jean-Pascal Pracht, avec Alexandrina Pendatchanska, Barbara di Castri, Michele Pertusi, Gregory Kunde, Mariana Ortiz, Enrico Facini, Fernand Bernardi, Federico Sacchi - Théâtre des Champs Elysées, les 20,22,24,26,28 avril à 19h30 - 01 49 52 50 50 - Diffusion sur France Musiques le 13 mai à 19h30.

Crédit Photos : Colette Masson

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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