RUSALKA d’ANTONIN DVOŘÁK

Une mise en scène linéaire et lisible

 RUSALKA d'ANTONIN DVOŘÁK


Le sujet, les personnages, le monde onirique de « Rusalka » offrent des nombreuses possibilités au metteur en scène. Le plus souvent il s’en empare pour présenter des êtres ambigus qu’il plonge dans des espaces imaginaires, uniquement lisibles par lui-même, très souvent au détriment de la compréhension du récit par le spectateur. Bien au contraire, Nicola Raab, s’est limitée avec intelligence, à respecter les indications du livret ; et cela grâce à l’aide de sa décoratrice Julia Müer et de Martin Anderson créateur des vidéos pertinentes et savamment dosées. L’exercice n’avait rien de facile.

Certes elle a aussi ajouté des éléments issus de son imagination, venus adroitement nous donner quelques clés supplémentaires pour une meilleure compréhension du conte : la petite fille à la personnalité indéfinie, avec son livre de contes où elle lit, très probablement, l’histoire de l’ondine et du prince amoureux, l’histoire de Rusalka. D’autres éléments plus prosaïques sont venus souligner des détails naturalistes certes, mais parfaitement intégrables à l’histoire onirique de l’ondine amoureuse : on montre Rusalka en sirène avec une queue de poisson, les êtres surnaturels qui habitent le lac – lieu central de l’action—, mangent des sardines crues. Le travail de Nicola Raab, linéaire et lisible, a permis aux spectateurs de suivre sans difficulté la curieuse histoire de l’ondine qui accepte la perte de sa condition surhumaine ainsi que sa faculté de parole pour l’amour d’un prince, un humain.
Le chef Antony Hermus, sans trahir aucunement la volonté du compositeur, n’a pas caché les influences wagnériennes de la partition ni les rappels sporadiques à la musique populaire slave, bien au contraire. Le seul reproche que l’on puisse lui faire est qu’il a oublié les dimensions de la salle et il a lancé l’orchestre de la maison dans des intensités un tantinet excessives par moments. Curieusement cela n’a pas dérangé les chanteurs, obligés à pousser la voix au détriment du lyrisme des situations dramatiques.

A priori, l’ensemble des voix sur le plateau ne semblaient pas idéal pour incarner les personnages de l’opéra. L’inclusion d’une certaine dose de naturalisme dans la mise en scène et les options plutôt violentes de la fosse, ont justifié le manque de lyrisme des artistes sur scène au bénéfice de l’indispensable équilibre entre les uns et les autres. D’autant que cela n’a nullement empêché Pume-za Matshikiza – Rusalka — d’interpréter son invocation à la lune dans une ambiance musicale de pre-mier ordre. Le timbre quelque peu voilé de l’artiste aura un instant désorienté le spectateur habitué à des voix plus claires pour ce rôle. Passé cet écueil, somme toute culturel, et laissant de côté quelques doutes de justesse dans la tessiture aigüe, on aura apprécié le reste de la soirée, le travail de la soprane sud-africaine dans ce rôle excessivement difficile, contraignant et dur.
On a senti Bryan Register – le prince — très à l’aise avec les options quelque peu agressives de l’orchestre. Il n’a jamais voulu se laisser dépasser par la fosse. Ce faisant, il n’a pas pu dissimuler une certaine fatigue de son instrument dans le forte, ce qui a diminué en conséquence la vraisemblance dramatique de ses dires amoureux.
Attila Jun — Vodnik — et Patricia Bardon – JaŽibaba— ont parfaitement rempli leurs rôles et ils ont obtenu visiblement la faveur du public. On pourrait dire la même chose de Rebecca Von Lipinski dans le rôle de la princesse étrangère, même si l’on a observé quelque raideur dans son travail théâtral. Les apparitions des trois nymphes — Agnieszka Slawinska, Julie Goussot, Eugénie Joneau — au début et en fin de soirée ont bien encadré l’ensemble de la représentation. Jacob Scharfman (le chasseur) et Claire Péron (le marmiton), artistes de l’Opéra Studio de la ONR, ont rempli leur mission comme de vrais professionnels. Le chœur de la maison aux ordres d’Alessandro Zuppardo a parfaitement rempli sa mission.

« Rusalka » Conte lyrique en trois actes d’Antonin Dvořàk. Livret de Jaroslav Kvapil d’après Frie-drich Heinrich Carl de la Motte-Fouqué. Production OnR, opéra de Limoges. Mise en scène de Nicola Raab. Décors de Jullia Müer. Costumes de Raphaela Rose. Orchestre philarmonique de Strasbourg. Choeurs de la OnR. Direction musicale Antony Hermus. Chanteurs : Pumeza Matshikiza, Bryan Regis-ter, Attila Jun, Patricia Bardon, Rebecca Von Lipinski, Agnieszka Slawinska, Julie Goussot, Eugénie Joneau, Jacob Scharfman, Claire Péron,
Opéra national du Rhin

Strasbourg les 18, 20, 22, 24, 26 octobre.
19, place Broglie – BP 80320
67008 Strasbourg Cedex
Téléphone : 0825 84 14 84/ +33 3 68 98 75 93

Mulhouse. La Filature les 8 et 10 novembre
La Filature 20 allée Nathan-Katz, 68090 Mulhouse cedex
Téléphone : +33(0) 3 89 36 28 28
onr@onr.fr caisse@onr.fr

Photos Klara Beck
Le vendredi 18 octobre

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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