Quand Ninon sort de l’enclos

Un nouvel enregistrement consacré à Ninon Vallin permet de mieux connaître la voix de cette artiste d’exception disparue en 1961.

Quand Ninon sort de l'enclos

ALORS QUE SONT PUBLIÉS L’UN APRÈS L’AUTRE les programmes des festivals de l’été et de la prochaine saison lyrique, un nouveau disque nous remet en mémoire l’art d’une chanteuse qui fut l’une des gloires du XXe siècle : Ninon Vallin. Née en 1886 à Montalieu-Vercieu en Isère, compatriote de Stendhal et de Berlioz, la jeune Eugénie Vallin, dite Ninon, est révélée lors de la création du Martyre de saint Sébastien de Debussy, en 1911. Elle sera ensuite Mélisande, puis Louise dans l’ouvrage éponyme de Gustave Charpentier à l’Opéra-Comique, et créera La Vie brève de Falla. Sa familiarité avec la langue espagnole permettra à Joaquin Nin de lui dédier ses Chants espagnols, mais ce sont les rôles de Marguerite et de Manon qui lui permettront d’être acclamée au Teatro Colon de Buenos Aires.

Arrêtons-nous un instant, précisément, en Amérique du sud : les chanteuses désireuses d’aborder la langue quechua ne sont pas légion. Mais c’est précisément cette démarche hors du commun qu’entreprit Ninon Vallin, qui interpréta et enregistra des mélodies populaires dans cette langue amérindienne ancestrale. L’effet de dépaysement, à l’écoute de ces pages, est certain.

Fauve et cristallin

Le nouvel enregistrement consacré à Ninon Vallin brosse un portrait assez complet de l’art de la chanteuse, à partir d’enregistrements historiques datant essentiellement des années 1930. Il est dû à l’initiative de Patrick Barruel-Brussin – qui lui a consacré un livre, Ninon Vallin, la voix d’un destin (EMCC, 2014) – et a été publié par l’audacieuse et entreprenante association Les Amis de Milliassière, elle aussi installée dans le Dauphiné.

On admire la manière dont cette soprano à la voix cristalline sait donner des couleurs fauves et sauvages à L’Amour sorcier et aux Chants espagnols de Joaquin Nin, on se laisse prendre au bercement des Berceaux de Fauré qu’accompagne Marguerite Long en personne, on découvre avec ravissement quatre chants quechuas (avec accompagnement de flûte et de harpe), qui ne ressemblent à rien d’autre qu’à eux-mêmes. Le disque comprend également un extrait de L’Enfant prodigue de Debussy, quelques mélodies de Reynaldo Hahn (qui en écrivit de nombreuses pour Ninon Vallin), un enregistrement de Shéhérazade de Ravel effectué à Montréal en 1947, et deux pages de La Damnation de Faust un peu tardives (elles ont été gravées en 1955, huit ans après les adieux de Ninon Vallin à la scène, dans le rôle de la Comtesse des Noces de Figaro). Bref, une belle anthologie pour qui veut connaître une chanteuse dont le timbre, l’étendue et la diction restent incomparables.

Ninon Vallin, la poésie d’une voix. Airs et mélodies de Falla, Nin, Ravel, Fauré, Debussy, Hahn, Berlioz. 1 CD disponible auprès des Amis de Milliassière (tél. 33 6 84 51 84 92 / 33 6 37 54 35 84).

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook