Du 7 au 11 février à la MC93 - Bobigny.

Mon amour de Nathalie Bitan par Didier Ruiz.

L’approche imminente de la mort d’un être cher.

Mon amour de Nathalie Bitan par Didier Ruiz.

Le rapport habituel à la vie humaine est plutôt une inquiétude qui ne laisse jamais en repos qu’une angoisse qui habite ceux qui, s’en tenant à leur propre vie, dans l’instant, pensent braver la mort.

S’en aller, décéder, disparaître, s’éteindre, expirer, s’en finir, partir, passer, périr, succomber, trépasser : la mort n’est jamais aussi fortement éprouvée et subie que dans celle de l’être cher. « Nul ne connaît la mort, s’il ne l’a une fois vue sur un visage adoré. » (Carlo Dossi, Désinence en « A », Dictionnaire des citations du monde entier).

Comment faire face à l’approche de la mort d’un être cher ? Comment trouver les mots pour dire l’indicible et affronter un sujet tabou ? Le metteur en scène Didier Ruiz avec Mon amour invente un spectacle croisant fiction et documentaire pour mettre en lumière le plus universel des événements.

« Le projet est né de ce désir d’être au plus près de l’événement, dans ces moments où peu de choses se disent dans la vraie vie, mais où comptent surtout les temps, les regards, les soupirs. »
Une femme accompagne sa mère dans ses derniers jours. Elle doit soutenir son père et résister. Pour lui, c’est une vie à deux qui se termine. Pour elle, c’est un brusque changement de rôle.

L’auteure Nathalie Bitan a répondu à la commande du metteur en scène, attentif à son écriture sensible - acuité du regard et onirisme. A la fiction, se mêlent des interventions d’experts, médecine et philosophie, ainsi qu’un choeur de vieillards sorti de l’ombre. Tous ensemble, les vivants et les morts, ainsi réunis sur scène, invitent à célébrer la vie et l’amour d’être, de partager..

Soit l’histoire d’une femme - mère et jeune grand-mère - qui accompagne sa mère dans ses derniers jours ; il lui faut trouver les gestes, les mots. Le père est présent, un homme âgé. Sous le regard de sa fille, il assiste à la disparition de l’être aimé si longtemps. Fin de vie et d’amour.

A la fiction, s’ajoute l’intervention d’« experts » de la mort : médecin, psychologue, philosophe. A partir d’une parole accompagnée - libre, encadrée, qui ne passe jamais par l’écrit -, ils interviennent à tour de rôle, selon un calendrier de tournées, comme une fenêtre ouverte sur le réel - le point de vue personnel et professionnel de "sachants". Cette apparition, décalée dans l’espace scénographique, résonne tel un écho, un contrepoint, une illustration de la fiction.

A la fin, une assemblée de personnes âgées sort de l’ombre, silencieuse et intense, se rappelant au bon souvenir du public, afin que les vivants n’oublient pas les disparus qui attendant les vivants.
La mort est peu représentée au théâtre et les acteurs seniors sont souvent mis de côté.

Le spectacle de Didier Ruiz place la mort en majesté et la célèbre de façon vive et ardente. A chaque représentation, un non-comédien suspend le déroulement de l’histoire et parle de son rapport à la mort. Sans oublier ni Platon, ni Sénèque, ni Montaigne, ni Kant, ni Schopenhauer, ni Foucault…

« L’effet que peut avoir cette pièce, c’est peut-être de nous rappeler qu’on n’est pas là pour très longtemps et que dans le fatras du monde, il faut aller à l’essentiel. »

La ressource face à la crainte angoissée de la mort de l’autre, à son absence définitive est souvent l’égoïsme, l’intérêt pris à sa propre vie. La mort balance entre le prix de la vie et celui de la vie des autres, obligeant à rectifier toujours la compréhension du sens de la vie et des valeurs défendues.

Petits rideaux de box hospitalier qu’on ouvre et ferme, anonymat des couloirs anonymes, voix d’aéroport des ascenseurs, la solitude de celui qui se confronte à la mort d’un proche est immense. Les interprètes sont lumineux dans cette relation à l’ombre fatale, placés à l’endroit juste et précis de l’éveil à soi et à la conscience. La mère lucide est attentive au regard des siens qui l’accompagnent : Isabel Juanpera a toute la grâce et la dignité souhaitées, jouant de la vie et de la mort, de la facétie et du drame, s’effaçant progressivement pour laisser pleine présence à la vie.

Cécile Leterme incarne la fille sur laquelle tout repose : le regard de sa mère qui s’en va, et celui de son père qu’elle se doit d’aider et de seconder dans la poursuite d’une vie sans son épouse. Elle est à la fois vive et désespérée, impuissante mais forte de son élan et de sa fureur de vivre.

Quant au senior, Marcel Bozonnet, il joue ce père magnifique - à la fois prince et simple sujet face à l’existence et à ses travers, ses circonvolutions et sa fin nécessaire -, donnant à sa présence et à sa parole scéniques - ici et maintenant- une dimension théâtrale unique - poétique et baroque.

Mon amour, texte de Nathalie Bitan, mise en scène de Didier Ruiz. Avec Marcel Bozonnet, Isabel Juanpera, Cécile Leterme, et en alternance Emma Joux, Jean-Luc Langlais et Vianney Mourman. Avec la participation d’un groupe d’amateurs. Dramaturgie Olivia Burton, scénographie Emmanuelle Debeusscher, création lumière Maurice Fouilhé, création sonore Adrien Cordier, costumes Marina Mathiot. Du 7 février au 11 février 2024, jeudi et vendredi 19h30, samedi18h30 et dimanche 15h30, à la MC 93, Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis Bobigny. Tél : 01 41 60 72 72 . Les 28 et 29 mars 2024, Scène nationale de l’Essonne Agora-Desnos, Evry.

Crédit photo :Vincent Béranger.

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Véronique Hotte

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