Le Théâtre de la Cité Universitaire et ses nouveaux enjeux

Sous la direction de Marc Le Glatin, il devient piste d’envol et creuset de la jeune création

Le Théâtre de la Cité Universitaire et ses nouveaux enjeux

Après deux ans de tergiversations et d’incertitudes sur l’avenir du Théâtre de la Cité Internationale (TCI), le suspens prenait fin au mois de mai dernier avec la nomination de Marc Le Glatin. Jusqu’à son arrivée Boulevard Jourdan, le nouveau directeur dirigeait, depuis 2000, le Théâtre de Chelles qu’il n’a pas quitté par lassitude, « j’y faisais un travail passionnant » affirme-t-il, « ni pour changer d’air, même si c’est une bonne chose » mais « pour l’intérêt de la mission indiquée dans l’appel à candidature ».

Jeter des ponts entre deux mondes qui s’ignorent

Homme de théâtre, il fut comédien et metteur en scène, doublé d’un universitaire, diplômé de l’Institut d’études politiques, il est également professeur associé à l’Institut d’Etudes Européennes de l’université Paris 8 de Saint-Denis, une double trajectoire dont Marc Le Glatin a nourri un original et ambitieux projet lequel , outre sa programmation, fait du Théâtre de la Cité Internationale, la base d’envol professionnel des jeunes créateurs, le creuset de leur création en même temps qu’un atelier de la pensée. En effet, pour le nouveau directeur, aider les artistes frais émoulus des écoles supérieures d’art dramatique, c’est leur donner, en priorité, les outils de réflexion propres à alimenter leur travail : « Je pense que les jeunes artistes, en particulier ceux qui s’adonnent à l’écriture de plateau et qui, à juste titre, cherchent à nous parler du monde manquent parfois de soubassement dans la réflexion. Leurs œuvres peuvent être extrêmement intéressantes dans la forme et avoir quelques faiblesses dans la capacité à lever des thèmes ambitieux qui soient en prise directe avec les questions de société qu’ils veulent traiter. » Pour jeter des ponts entre le monde des arts et celui de la pensée, « deux mondes qui trop souvent s’ignorent », seront organisés, articulés autour de la programmation, des moments de réflexion et d’échanges entre des créateurs de tous horizons, des universitaires, des chercheurs, des philosophes. En somme « nouer ensemble l’ébullition intellectuelle et l’effervescence artistique ».

Faire plus avec moins

Une tâche exaltante aux allures de défis dans la mesure où Marc Le Glatin se voit confronté à une forte baisse de la dotation de la Fondation de la Cité Internationale Universitaire dont l’apport financier doit passer sur deux ans de 880.000 € à 400.000€. Un manque à gagner de 53% que ne compensent pas la hausse des subventions des collectivités publiques (Etat, Ville, Région). S’y ajoute un effectif réduit, conséquence d’un plan de départs volontaires mis en place par la Fondation Internationale Universitaire qui jusqu’au mois de septembre dernier était l’employeur du personnel du théâtre. Depuis, le TCI est sorti du giron de la Fondation et ses activités, comme la gestion de son personnel, transférées à une entité juridique indépendante.
Faire plus avec moins demande d’être inventif, surtout si, comme l’estime le nouveau directeur du TCI, être l’instrument de l’insertion professionnelle des jeunes artistes, c’est prendre en compte tous les aspects de leur création, de la production à la diffusion. C’est la raison pour laquelle il a souhaité la constitution d’un bureau de production de forme coopérative dont peuvent être membres les scènes publiques intéressées par les spectacles en préparation. Imaginé « autour de plusieurs pôles d’insertion professionnelle », initié et dirigé par Claire Dupont, Maître de conférences à l’Université Paris 3, ce bureau baptisé, Prémisses adossé au TCI mais juridiquement et financièrement indépendant, se veut, « laboratoire où se repensent l’économie et le fonctionnement de la filière théâtrale ». Concrètement il interviendra comme producteur délégué des jeunes créateurs qui seront en résidence pendant trois à quatre saisons. Ces équipes, au nombre de quatre, choisies en fonction de leur projet artistique, seront accompagnées et épaulées dans toutes leurs démarches de production, de diffusion et d’administration, « il s’agit construire avec eux leur future compagnie, faire en sorte qu’ils puissent s’implanter sur un territoire et gagner en autonomie », précise Claire Dupont.

Ne pas faire du TCI un laboratoire hors sol

Comme tour de chauffe d’une future implantation, ces jeunes artistes, tout comme les artistes des spectacles programmés, auront à intervenir sur le terrain. En effet , si Marc Le Glatin espère « qu’avec le temps les collectivités publiques soutiendront à leur tour ce travail d’insertion », il n’entend pas pour autant faire du TCI « un laboratoire hors sol » mais le pôle d’attraction non seulement des habitants du quartier mais de « l’ensemble de la population située de chaque côté du périphérique et par un travail long et minutieux construire avec elle des liens privilégiés qui lui donne non seulement envie de venir voir des spectacles mais pratiquer des activités artistiques ».Quant à « cette véritable petite ville » qu’est, avec ses six mille résidents, la Cité Universitaire, il entend bien l’apprivoiser en créant avec elle des relations « qui ont parfois eu du mal à s’établir » en proposant des projets d’actions artistiques « à construire ensemble et par des opérations ciblées en relation avec ses maisons ( Japon, Argentine…).
La confrontation avec le public est le moment de vérité qu’attendent et redoutent tous les créateurs, les jeunes pousses comme les vieilles branches. Les deux, c’est à dire les équipes en résidence dont le travail est à découvrir et les troupes au talent confirmé, se côtoieront à l’affiche d’une programmation pluridisciplinaire dans laquelle « le théâtre est appelé à prendre un peu plus d’importance qu’il n’en avait les années précédentes ». Dans le domaine de la danse, une place sera faite aux jeunes chorégraphes, tandis que pour la musique, « certains concerts pourraient être associés aux thématiques développées par les spectacles de théâtre ou de danse ». Et parce que « c’est bien d’être visible autrement », il se pourrait qu’un spectacle de cirque, présenté sous un chapiteau implanté dans le parc de la Cité Universitaire, inaugure au mois de septembre prochain, la première programmation d’une mandature qui se veut au service non seulement des jeunes artistes mais aussi du public dans toute sa diversité.

Photo DR

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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