Paris-Comédie-Française jusqu’au 21 juin 2009

L’illusion comique de Pierre Corneille

Illusions perdues

L'illusion comique de Pierre Corneille

On avait découvert le jeune bulgare Galin Stoev à l’occasion de sa belle mise en scène de La Festa de Spiro Scimone avec, entre autres, la regrettée Christine Fersen, au Vieux-Colombier et au Studio de la Comédie-Française sa vision originale et enlevée de Douces vengeances et autres sketches d’Hanokh Levin. Il nous avait fait découvrir aussi le très explosif écrivain russe Viripaiev au festival d’Avignon et au théâtre de la cité internationale, avec Oxygène et Genèse 2, interrogations provocatrices et ludiques sur le théâtre. S’il est très à l’aise avec ses contemporains, Galin Stoev a apparemment plus de mal avec nos classiques français. Ce sera peut-être pour cela qu’il a évité de prendre Corneille de front et que, croyant se mettre à l’écoute de l’écrivain, il ne s’est mis à l’écoute que de lui-même. Il aura suffi de découvrir l’abstraction de la scénographie qui n’entend que délimiter les espaces mentaux des personnages, faisant fi de la fondamentale mise en abîme théâtrale, pour comprendre que le texte a échappé au metteur en scène. Corneille raconte l’histoire de Pridamant qui recourt au magicien Alcandre pour avoir des nouvelles de son fils Clindor. Il assiste alors, du fond de la grotte du magicien, aux aventures extravagantes de Clindor jusqu’à sa mort qui n’est qu’une mort théâtrale puisqu’il a choisi le métier de comédien. Cette mystification est un magnifique éloge du théâtre. Mais Galin Stoev, probablement impressionné et désarçonné par l’adresse de Corneille, a attrapé le texte par le bout qui se rapprochait le plus de sa propre histoire. Et voilà comment il s’est mis en tête de raconter comment un père et son fils se perdent de vue par incompréhension, parce que le père ne peut comprendre que le fils veuille faire du théâtre, et comment, à travers le labyrinthe des relations, le père cherche à rejoindre le fils perdu. Pourquoi pas ? La dimension psychanalytique est possible mais de surcroît, non pas à la place du texte, sinon le point de vue est terriblement réducteur. De même la question des dangers de l’illusion est intéressante, pourvu qu’elle soit toujours reliée au texte. Mais la mise en scène a perdu le texte de vue et les acteurs, sans repères, font ce qu’ils peuvent, parfois avec bonheur, comme Denis Podalydes et Julie Chemla qui réinventent leur partition en solitaire avec beaucoup de d’intelligence et de justesse. Malheureusement, le plus souvent, les vers peinent à quitter les pages, où l’auteur les a provisoirement couchés, pour faire lever la magie de l’illusion théâtrale. Il n’est pas sûr que cette mise en scène contribue à éclairer les lycéens qui étudient la pièce.

L’illusion comique de Corneille, mise en scène Galin Stoev avec Alain Lenglet, Denis Podalydès, Julie Sicard, Loïc Corbery, Hervé Pierre, Adrien Gamba-Gontard, Julie Chemla, à la Comédie-Française jusqu’au 21 juin 2009 à 20h30, matinée le dimanche à 14h. Tel. 0825 10 16 80.
www.comedie-francaise.fr

crédits photographiques : Cosimo Mirco Magliocc

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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