Festival d’Avignon
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Au cœur des pages du programme de la 63e édition du Festival d’Avignon bruissent les rumeurs d’un monde chauffé à blanc. Avec Wajdi Mouawad, l’artiste québécois d’origine libanaise associé à la programmation, Avignon, devenue bruissante tour de Babel, va se faire chambre d’écho des soubresauts de l’histoire et des interrogations qui agitent les hommes d’un bout de la planète à l’autre. Le ton est donné par le spectacle d’ouverture, Guerre et fils du cinéaste israélien Amos Gitaï, avec Jeanne Moreau, à la carrière Boulbon. Et dès le lendemain, dans la Cour d’honneur du palais des papes, une nuit durant, de 20h à 6h30 du matin, Wajdi Mouawad présentera sa phénoménale trilogie qu’il a intitulé Du sang et des promesses et qui regroupe trois spectacles présentés jusque-là séparément. Une odyssée où il est question de guerre, de promesses non tenues, d’identité et aussi d’espoir. Il présentera un peu plus tard son dernier spectacle en forme d’épilogue, Ciels, dans lequel on entendra plus de vingt langues sur le plateau. Du côté du Québec, Christian Lapointe jouera avec le feu et Denis Marleau s’intéressera à Thomas Bernhard tandis que le danseur canadien, Dave St Pierre s’emploiera à conjuguer le verbe aimer. Du côté du Liban, Saneh et Rabih Mroué nous transporteront à Beyrouth en 2006, peu après l’attaque israélienne. Le compositeur franco-libanais Zad Moutalka s’interrogera sur le langage et questionnera l’histoire. Sous les bombardements, un enfant s’interroge : « et si j’étais né de l’autre côté ? ». Dans un autre spectacle, il ne lui faudra que neuf minutes pour dire non à la guerre avec la complicité de la danseuse Yalda Younès. Citons encore les voix ibériques ou sud-américaine d’Israel Galvan, Oskar Gomez Mata et Federico Léon. Dieudonné Niangouna et Pascal Contet nous parleront de la guerre civile au Congo-Brazzaville, Thierry Bédard et Jean-Luc Raharimanana de Madagascar et du désordre de la misère. La tragédie antique et ses héros nourrissent le théâtre et particulièrement bon nombre de spectacles programmés à Avignon, de Guerre et fils à la trilogie Du sang et des promesses en passant par Sous l’oeil d’Oedipe de Joël Jouanneau.
On retrouvera aussi les habitués d’Avignon, le Flamand Jan Fabre, le chorégraphe belge Jan Lauwers, le Suisse Christophe Marthaler, l’Italien Pippo Delbono avec et le Polonais Warlikovski. Les Hollandais, Johan Simons et Paul Koek donneront, dans la Cour d’honneur, leur version de Casimir et Caroline de Ödon von Horvath, dont on a pu voir à Paris deux mises en scène cette saison, celle d’Emmanuel Demarcy-Mota et celle de Frédéric Bélier-Garcia. Un drame amoureux sur fond de crise économique qui se déroule dans les années 1930 en Allemagne et qui résonne avec une incroyable actualité.
Citons encore les deux nouveaux venus au Festival : le cinéaste Christophe Honoré qui fait ses premiers pas au théâtre avec Angelo, tyran de Padoue de Victor Hugo et Claude Régy, invité pour la première fois, qui nous fera entendre la voix de Fernando Pessoa avec Ode maritime.
Plus que jamais l’histoire du monde sera présente sur les scènes d’Avignon, plus que jamais la fête du théâtre se veut fête de l’esprit, lieu de débats et d’échanges entre les hommes à travers une foule de propositions qui conjuguent tous les arts et tous les modes d’expression, invitent le spectateur à réfléchir, partager, rire, et, pour lutter contre la tendance générale, se réjouir de la complexité du monde.
Quand les premières notes des trompettes d’Avignon résonneront accompagnées par les cris des martinets, nous aurons une pensée pour le grand compositeur Maurice Jarre, disparu cette année, auquel nous devons cet indicatif mythique qui annonce le début de la représentation depuis les années Vilar.
Festival d’Avignon, tel : 04 90 14 14 14.
