Avignon- à La chapelle du verbe incarné jusqu’au 31 juillet 2009

Bintou de Koffi Kawhulé

Une tragédie moderne

Bintou de Koffi Kawhulé

Bintou (Annabelle Lengronne) est une enfant d’immigrés noirs africains qui vit dans une banlieue française agitée. A treize ans, elle est à le chef d’une bande de garçons, les lycaons (Manu, Alexandre Jazédé ; Blackout, Yohann Pisiou ; Kelkhal, Olivier Desautel) qui la vénèrent pour sa forte personnalité, son courage, son charisme et sa sensualité. Bintou, c’est « une petite fleur sauvage poussée sur le froid béton d’une cité où même les flics n’osaient pas aller ». La jeune metteur en scène Laetitia Guédon a bien compris que la pièce de l’Ivoirien Koffi Kawhulé, violente avec mesure, se situe aux confins de la tragédie antique. En ouverture, un chœur de trois jeunes filles, accompagné par l’ensemble des acteurs et un musicien en arrière-plan, chante et danse l’histoire de Bintou. D’emblée le ton est donné, tendu entre stylisation et réalisme. La jeune Bintou cherche désespérément en elle-même les ressources pour échapper au sort. Depuis que son père est au chômage, il a renoncé à tout et vit terré dans sa chambre. Bintou protège sa mère, faible, contre une tante qui traite sa nièce de dépravée et un oncle qui ne verrait pas d’inconvénient à culbuter la petite. Ulcérée par cette famille vile, Bintou est en révolte contre la société des hommes et éprouve dans son cœur « la honte d’être humain ». Grandie trop vite dans la douleur, elle a des mots d’adulte et une clairvoyance qui font peur. Elle sait que son insolent désir de liberté la perdra. La pièce raconte les difficultés d’être femme dans une communauté africaine immigrée, femme dans une cité française. Elle dit aussi que ces enfants qui vivent au-delà de toute morale, et qui font peur, sont parfois des idéalistes déçus qui retournent leurs rêves en violence contre le monde et contre eux-mêmes renvoyant à la société qui les a enfantés sa part de responsablité. Bintou sera tuée, immolée par les siens sur l’autel du pire des sacrifices qui prive la femme de sa féminité. Loin de tout manichéisme, la pièce de Koffi Kawhulé déploie l’inextricable toile d’araignée dans laquelle se prend cette jeune fille à l’âme pure. Laëtitia Guédon, qui signe sa deuxième mise en scène, empoigne l’histoire avec énergie et un vrai point de vue. Les scènes avec les jeunes Lycaons sont les plus réussies. La belle musique et la voix de Dawa Litaaba-Kagnita contribue à l’unicité de ce spectacle dédié au peintre et musicien antillais Henri Guédon, le père de Laëtitia qui devait participer à la scénographie et composer la musique du spectacle. Un spectacle dense et généreux mis en scène par une jeune artiste prometteuse.

Bintou de Koffi Kawhulé mise en scène par Laëtita Guédon, scénographie de Soline Portmann et Benjamin Perrot, lumière de Mathilde Foltier-Gueydan, chorégraphie de Yano Iatridès, musique de Dawa Litaaba-Kagnita. Avec Olivier Berhault, Gaëlle Bourgeois, Aliou Cissé, Olivia Dalric, Olivier Desautel, Sol Espeche, Mata Gabin, Laurent Gernigon, Alexandre Jazédé, Yves Jégo, Valentin Johner, Annabelle Lengronne, Dawa Litaaba-Kagnita, Emmanuel Mazé, Frédéric Merme, Marie-Jeanne Owono, Yohann Pisiou, Dilène Valmar, Juliette Wiatr. A La chapelle du verbe incarné jusqu’au 31 juillet, à 13h45. Durée : 1h30. Tel. 04 90 14 07 49.

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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