Tournée

Vincent Delerm

Le spleen bobo

Vincent Delerm

Les mauvaises langues diront qu’il s’agit de sa grand-mère. Cette femme âgée, assise devant nous, qui frappe des mains, des pieds et qui dodeline sur son siège pourrait à elle seule balayer tous les clichés qui pèsent sur le chanteur. Parisianiste ? Lui qui a vécu la plus grande partie de sa vie en province. Bobo ? Qui ne l’est pas dans sa génération ? Précieux ? On l’est forcément un peu dans la chanson française. Avec Vincent Delerm, nous sommes devant le cas du "j’aime" ou "j’aime pas". Pas de demie-mesure, pas de contraste entre ses défenseurs et ses opposants. Les uns hurlent face à sa manière de chanter : une forme de récitation quelque peu chevrotante. Les autres s’amusent de ses jeux de langage. Et tous s’accordent à reconnaître le côté référentiel pour jeunes trentenaires : souvenirs de fac et de collège qui parlent immédiatement à toute cette tranche d’âge. "Les filles de 1973 ont trente ans", chante-t-il ainsi, mais aussi "Nos histoires d’amour sont les mêmes. Comme si nous avions pratiqué dans des piscines parallèles, la natation synchronisée." Connu aussi pour sa pratique d’une forme d’inventaire à la Prévert, égrenant objets du quotidien (un peu) et noms de personnalité (beaucoup), Delerm dessine au final une carte du tendre faite de petits riens qui mène à la désillusion généralisée d’un certain confort matériel et intellectuel. C’est sûr, Delerm parle juste de son point de vue, ni porte-parole, ni politisé. Des instantanés d’amourettes dans lesquels le dialogue avec l’autre est permanent : tu, vous ou nous. Tout y passe : rendez-vous, dîner avec les beaux-parents, écoute de disques, voyages à l’étranger... Des choses que tout le monde a vécues en somme, comme cette grand-mère enchantée.
Installé pendant quelques jours dans la salle de la Cigale pour démarrer sa longue tournée, Delerm a choisi la formation solo. Juste lui et un piano, abandonnant ainsi la luxuriance pop des somptueux arrangements de cordes qui figurent sur son dernier album. On entend tout d’abord la voix de François Morel qui campe un personnage de spectateur lambda, impatient que le concert débute : "Bon alors ! C’est quand qu’il arrive, c’est long quand même...". Delerm arrive enfin, enchaînant directement sur un premier morceau. Comme fil rouge, l’histoire d’une femme au nom nordique, dont on entend aussi parfois la voix, sert de lien entre les différentes chansons ponctuées aussi par les réflexions off de Delerm. Une mise à distance humoristique du concert et du rapport entre l’artiste et son public : "Qu’est-ce que je vais bien pouvoir leur raconter là ? ". Tout comme le rappel annoncé par François Morel à nouveau : "Tu crois qu’il va revenir ?". Derrière le dispositif, reste en tout cas de jolies chansons romantiques qui plaisent aux jeunes filles BCBG mais aussi aux grands-mères. Pas besoin de le voir pour le croire, il suffit peut-être d’écouter.

En tournée jusqu’au 14 mai 2005. Jusqu’au 4 Novembre à Paris (La Cigale). Le 17 novembre à Marseille, les 19 et 20 à Limoges, le 23 à Voiron, le 25 à Bourg-Les-Valence, le 26 à Montceau les Mines, le 1er décembre à Agen, les 2 et 3 à Bordeaux, le 4 à La Rochelle, le 9 à Chartres...

A propos de l'auteur
Abdessamed Sahali

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook