Paris - Théâtre de l’Athénée

The Rape of Lucretia de Benjamin Britten

Un Viol d’hier aux accents de demain

The Rape of Lucretia de Benjamin Britten

Pour la clôture de cette saison, l’Atelier Lyrique de l’Opéra National de Paris, centre de perfectionnement de jeunes chanteurs, a voulu mettre les petits plats dans les grands, en présentant l’intégrale d’un opéra. The Rape of Lucretia/Le Viol de Lucrèce de Benjamin Britten se prêtait à première vue à l’exercice : œuvre lyrique dite de chambre à orchestration réduite à douze instrumentistes et nombre d’interprètes limité à quatre femmes et quatre hommes. Cette facilité d’ordre pratique n’en cache pas moins les difficultés d’interprétation. Que l’Atelier Lyrique n’a pas su cette fois surmonter.

Des uniformes fatigués et indifférenciés

La déception vient avant tout de la production scénique, mise en scène, décors et costumes. Stephen Taylor a pourtant une bonne pratique de chanteurs en devenir, ayant notamment dirigé à maintes reprises Les Jeunes Voix du Rhin. L’Athénée avait d’ailleurs accueilli sa belle réalisation de Reigen de Philippe Boesmans à Strasbourg. Est-ce parce que ce Viol de Lucrèce, deuxième opus lyrique de Britten, né deux ans après Peter Grimes, fut créé en 1946, que Taylor s’est cru obligé d’en transposer l’histoire vécue 500 ans avant JC, dans nos années quarante de deuxième guerre mondiale ? Histoire d’échapper au péplum ? La solution de la chambrée de soldatesques aux uniformes fatigués et indifférenciés n’aide guère à la lisibilité. Qui est qui ? Rien n’indique leur grade, la tenue du prince est interchangeable avec celle d’un quelconque deuxième classe. Plus opaque encore est la maison de Lucrèce transformée en annexe de la Croix Rouge et Lucrèce elle-même fagotée dans un affreux uniforme de cantinière. Pour croire qu’elle est ainsi la plus belle et la plus chaste des femmes du royaume il faut vraiment faire un effort.

Collatin éperdu, Bianca maternelle, Tarquin rageur

Les chanteurs ne sont pas en cause. Ils révèlent et confirment quelques jolies qualités vocales, même si leur diction reste aléatoire et leur jeu, en l’absence manifeste d’une vraie direction d’acteurs, le plus souvent raide et emprunté. Ainsi dans le rôle délicat du Chœur d’Homme, Vincent Delhoume, ténor bordelais, joli timbre mais phrasé hésitant, se déplace avec la raideur d’un pantin. La double distribution donnant leur chance à plusieurs élèves pour un même personnage a permis, le soir de la première, d’apprécier Marie-Adeline Henry, soprano au timbre clair en Chœur de Femme, Igor Gnidii, baryton moldave composant un Tarquin rageur ou encore la basse Ugo Rabec en Collatin éperdu, Cornelia Oncioiu, Bianca, maternelle. Anna Wall, mezzo anglaise entrée à l’Atelier Lyrique en automne 2006, défendait ce soir-là les tourments de l’héroïne en titre. La chaleur et l’impeccable tenue de sa voix lui rendirent heureusement la beauté et le rayonnement que son costume de hussarde cachait trop bien. Voix de demain, tous jeunes et talentueux solistes qu’on avait appréciés dans l’excellent spectacle Monteverdi de l’hiver dernier (voir webthea du 12 décembre 2006).

Accompagnement honnête quoique sans éclat de L’Ensemble de Basse Normandie, sous la direction un rien martiale de Neil Beardmore, qui semblait plus à l’aise dans les tempos du galop de Tarquin que dans les plages plus romantiques ou philosophiques de Britten, qui croyait que le christianisme mettrait un jour fin à la barbarie des hommes.

The Rape of Lucretia de Benjamin Britten par l’Atelier Lyrique de l’Opéra National de Paris. Avec l’Ensemble de Basse Normandie, direction Neil Beardmore et, en alternance, Anna Wall/Laetitia Singleton (Lucrèce), Ugo Rabec (Collatin), Wiard Whitholt/Vladimir Kapshuk (Junius), Igor Gnidii/Bartlomiej Misiuda (Tarquin), Cornelia Oncioiu (Bianca), Elisa Cenni/Elena Tsallagova (Lucia), Marie-Adeline Henry/Yun Jung Choi (Chœur de Femme), Vincent Delhoume/Johanness Weiss (Chœur d’Homme)
Théâtre de l’Athénée, les 26, 27, 28, 29 & 30 juin à 20h –
01 53 05 19 19 19

Crédit photos : Cosimo Mirco Magliocca / Opéra national de Paris

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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