Paris - Opéra Comique jusqu’au 24 janvier 2010

The Fairy Queen de Henry Purcell

Théâtre total, total bonheur

The Fairy Queen de Henry Purcell

On a tant glosé sur le concept de théâtre total sans jamais arriver à le définir complètement et encore moins à le réaliser et voici qu’atterrit à l’Opéra Comique un spectacle tombé des cieux d’Angleterre et qui en réunit tous les ingrédients : le théâtre et ses comédiens, la musique, son orchestre ses chanteurs et son chœur, son ballet et ses danseurs voltigeurs, sa prodigieuse machinerie à illusions. Et, pour pimenter le tout, l’irrésistible « non-sense » de l’humour britannique pour quatre heures de rires et de bonheur.

The Fairy Queen composé par Purcell autour du Midsummer Night’s dream/ Songe d’une nuit d’été de Shakespeare est ce qu’on appelle un semi-opéra, où le théâtre parlé, le chant et la musique cohabitent à parts égales. Le genre, très prisé aux 16 et 17ème siècle a fini par tomber en désuétude en raison même de ses difficultés de production. Tous ces talents à réunir ont un prix !

La dernière fois que cette Reine des Fées foula le sol d’une scène française fut en 1989 au festival d’Aix-en-Provence avec déjà William Christie à la baguette dans une mise en scène de l’Anglais Adrian Noble. C’est un autre Anglais qui lui succède aujourd’hui, l’imagination en roue libre, le sens du gag aiguisé jusqu’à la pointe de l’absurde, le goût du merveilleux et le métier sûr de directeur d’acteurs : Jonathan Kent, metteur en scène vedette de théâtre et d’opéra en Grande Bretagne, directeur de l’Almeida de Londres n’avait jamais exercé ses dons en France. C’est chose faite sur un triomphe.

Du théâtre élisabéthain pur jus

De Shakespeare à Purcell, de 1594 à Stratford on Avon à 1692 au Dorset Garden Theatre de Londres, près d’un siècle sépare la comédie féerique de Shakespeare de sa réécriture par Thomas Betterton, acteur et directeur du Dorset, pour les besoins du compositeur de cour Henry Purcell (1659-1695). L’histoire en a été légèrement bousculée : Hippolyte, amante de Thésée est rayée de la liste des personnages et le page convoité par Titania et Obéron devient un petit prince indien orphelin. L’essentiel reste en place : les amours contrariés de Hermia éprise de Lysandre mais promise à Demetrius, ceux d’Helena qui en pince pour Demetrius alors que celui-ci s’est entiché d’Hermia, la fuite des amants dans les bois où règnent les fées et les elfes, les démêlés d’Obéron et de Titania, souverains capricieux du monde des rêves, les répétitions burlesques d’une poignée d’artisans chargés de jouer le drame de Pyrame et Thisbé, et, comment Puck, le lutin facétieux d’Obéron sème la zizanie en se trompant de destinataire d’un philtre d’amour, comment enfin Titania, condamnée à s’amouracher du premier être qu’elle apercevra à son réveil, devient folle d’amour pour un homme à tête d’âne… C’est du théâtre élisabéthain pur jus où le grotesque le plus échevelé alterne avec le drame et la plus pure des poésies, un genre inconnu au bataillon de la littérature française et que les Français n’osent jamais aborder de front.

Une royale irrévérence

Les Anglais eux s’y emploient dans une royale irrévérence. La mise en scène de Jonathan Kent déborde d’un fourmillement de trouvailles d’astuces, de coq à l’âne, d’anachronismes. On pourrait en faire un inventaire à la Prévert sans raton laveur mais avec des lapins "copuleurs" échappés d’un Disneyland en peluche et qui s’accouplent au rythme des accords puercelliens. Dans une suite de décors – salon princier ? salle de musée ? - en constant mouvement d’où glissent, montent ou descendent les apparitions les plus farfelues : les artisans sont transformés en agents de surface, nettoyeurs assermentés du XXIème siècle, armés d’aspirateurs et de seaux en plastique, des fées aux ailes noires de deuil, la tête d’âne de Bottom faite de deux godasses plaquées sur les oreilles, des cygnes, des blés, un cheval volant, Adam et Eve uniquement parés des feuilles de vigne de leur vertu, etc, etc…. C’est baroque et baroqueux en diable, paillard et poétique, farceur et sensuel, onirique de bout en bout, en parfaite adéquation avec le texte que l’on peut entendre en v.o, cette langue anglaise où les mots sont musiques et qu’une quinzaine de formidables comédiens font chanter comme des notes.

C’est la fête !

En osmose totale évidemment avec la somptueuse musique de Purcell compositeur, chanteur, claveciniste, organiste, maître des polyphonies baroques d’une richesse et d’une subtilité qui enchantent. Une musique que William Christie possède comme s’il l’avait lui-même inventée.

C’est la fête ! Grâce à l’orchestre et à son chef inspiré, grâce aux comédiens tendres et loufoques, Alice Haig (Hermia polissonne), Sally Dexter (Titania royale), Jotham Annan (Puck déluré), Desmond Barrit (irrésistible Bottom) et tous leurs camarades, grâce aux merveilleux chanteurs qui endossent plusieurs rôles, la basse Andrew Foster-Williams, les sopranos Emmanuelle de Negri, Claire Debono, les ténors Ed Lyon et Sean Clayton… Grâce enfin à la magie des danseurs acrobates. Théâtre total, total bonheur ! Pour le trentième anniversaire de ses Arts Florissants de Christie, un tel spectacle constitue une sorte de couronnement

The Fairy Queen de Henry Purcell d’après A Midsummer Night’s Dream de William Shakespeare. Chœur et orchestre Les Arts Florissants, direction William Christie, mise en scène Jonathan Kent, décors et costumes Paul Brown, lumières Mark Henderson, chorégraphie Kim Brandstrup. Avec les chanteurs Lucy Crowe, Andrew Foster Williams, Claire Debono, Miriam Allan, Anna Devin, Maud Gnidzaz, Ed Lyon, Sean Clayton, Callum Thorpe, Emmanuelle de Negri, Robert Burt, Andrew Davies, David Webb, Helen Jane Howells. Les comédiens : William Gaunt, Robert East, Alice Haig, Nicholas Shaw, Gwilym Lee, Jo Herbert, Roger Sloman, Robert Burt, Desmond Barrit, Paul Mc Cleary, Brian Pettifer, Jack Chissick, Sally Dexter, Jotham Annan, Finbar Lynch et, en alternance, les enfants Adel Aïssani, Riad Ghelazi, Lucien Pech. Les danseurs : Laura Caldow, Omar Gordon, Samuel Guy, Anthony Kurt-Gabel, Jarkka Lehmus, Caroline Lynn, Maurizio Montis, Sarah Storer

Coproduction :

Glyndebourne Festival (création le20 juin 2009)

Opéra Comique (du 16 au 24 janvier 2010)

Théâtre de Caen (2 & 3 février 2010)

Brooklyn Academy of Music de New York (19, 21, 26, 27 mars 2010)

Ne pas oublier : les belles "Rumeurs" orchestrées par l’Opéra Comique autour du spectacle phare : les concerts, les rencontres, le cinéma...

Opéra Comique : 0825 01 01 23 – www.opera-comique.com

photos : Pierre Grosbois.

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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