Nancy – Opéra National de Loraine jusqu’au 7 octobre 2010

Rusalka d’Antonin Dvorak

Ondine au musée

Rusalka d'Antonin Dvorak

Envoûtant lancement de saison à Nancy où l’Opéra National de Lorraine présente une production inédite de l’insaisissable héroïne aquatique de Dvorak : cette Rusalka, conçue sur les écailles imaginaires de la petite sirène d’Andersen et de l’Undine de la Motte Fouqué, née à Prague en 1901 qui mit plus d’un siècle à se faire connaître et aimer en France.

C’est chose faite depuis 2002 où le Canadien Robert Carsen signa une mémorable mise en scène à l’Opéra National de Paris (voir sa reprise sur : http://www.webthea.com/actualites/ecrire/?exec=articles&id_article=720) et c’est justice car ce neuvième et avant dernier opéra du compositeur de la Symphonie du Nouveau Monde est un vrai chef d’œuvre de romantisme et de sensualité lyrique.

Une direction d’orchestre à la fois enjouée et charnue de Christian Arming, chef viennois encore peu connu en France, une mise en scène subtile et des décors inattendus de Jim Lucassen, un jeune Hollandais à découvrir, des chanteurs qui jouent la comédie avec humour : cette Rusalka s’impose toute de surprises, de nostalgie et de sourires.

Au musée de nos imaginaires

Pour Lucassen qui fit ses classes d’apprenti metteur en scène avec des grands tels Harry Kupfer, Peter Sellars, Robert Carsen ou le couple Hermann avant de se jeter dans la mêlée des réalisateurs à part entière, la saga de la sirène amoureuse d’un humain s’inscrit dans une case de notre mémoire. « Il était une fois… » : les contes de fée appartiennent à notre passé, au musée de nos imaginaires. Ainsi le royaume aquatique de Vodnik et de ses filles se trouve figé dans le tableau d’un paysage lacustre accroché au mur d’un musée d’histoire naturelle. Des vitrines renferment des animaux empaillés, à plumes ou à poils. Des visiteurs s’attardent subjugués par la nymphe blonde émergeant des roseaux peints par un émule de Caspar Friedrich.

Le cadre est posé et avec lui, le détournement de l’identité première des personnages. Ainsi le prince chasseur devient le conservateur du musée, fasciné lui aussi par le mystère de ce tableau de sa collection, tandis que Jezababa, la mère-sorcière, en devient la bibliothécaire survoltée. Rusalka s’échappe de sa prison d’eau stagnante, joue, ondoyante, avec ses petites sœurs, naïades écolières en chaussettes blanches. Elle a vu l’homme qui la contemplait, et, pour devenir son égale en humanité et le conquérir, elle accepte toutes les conditions de sa métamorphose, la perte de la parole et la condamnation à l’errance si l’aimé devait un jour la délaisser…

Drôlerie en clin d’oeil et compassion émue

Tout s’inscrit avec naturel dans ce point de vue « ethnographique », les préparatifs de la noce deviennent ceux de l’inauguration d’un nouveau squelette de baleine géante où l’une de ses côtes se transforme en jouet érotique, la réception mondaine qui lui succède où va apparaître la princesse étrangère sous les traits d’une chercheuse de style CNRS et où Rusalka rôde enveloppée d’un immense drap de plastique translucide qui lui tient lieu de voile de mariée. Drôlerie en clin d’œil et compassion émue s’enchevêtrent.

La direction d’acteurs de Jim Lucassen est fine et vive. Inna Los, ravissante soprano moldave fait davantage croire à Rusalka par sa plastique exceptionnelle et l’excellence de son jeu de comédienne que par sa voix aux aigus qui partent en fusée. Son prince, le ténor slovaque Ludovit Ludha prend le costume et la dégaine d’un fonctionnaire ou cadre supérieur. Coïncidence ou stratégie ? Il ressemble même au portrait de Dvorak qui figure dans le programme -. Vodnik, en robe de chambre de bon père de famille, s’octroie les graves parfois incertains de la basse Andrew Greenan tandis que l’alto tchèque Lenka Smidova sanglée dans un tailleur à carreaux se forge un joli succès en Jezababa déjantée, superbement en voix et en jambes.

Valses nostalgiques, chants du terroir de Bohème, romantisme teinté de sons et de paysages hérités de Liszt et de Wagner – mais sans sa violence -, la musique de Dvorak raconte une histoire et s’imprègne de ses états de cœur. Christian Arming, 38 ans, émule de Seiji Ozawa directeur du New Japan Philharmonic, communique son enthousiasme à l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy qui fait tout entendre et tout voir de cette musique faite de chaleur et de rêves.

Rusalka d’Antonin Dvorak, livret de Jaroslav Kvapil, orchestre symphonique et lyrique de Nancy, direction Christian Arming, chœur de l’Opéra National de Lorraine, mise en scène et décors Jim Lucassen, costumes Amélie Sator, lumières Andreas Grüter. Avec Inna Los, Ludovit Ludha, Hedwig Fassbender, Andrew Greenan, Lenka Smidova, Yun Jung Choi, Katouna Gadelia, Silvia de la Muela, Igor Gnidii, Blandine Staskiewicz.

Nancy, Opéra National de Lorraine, les 30 septembre, 1er, 5, 7 octobre à 20h, le 3 octobre à 15h.

03 83 85 33 11 – www.opera-national-lorraine.fr

Crédits photos : Opéra national de Lorraine

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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