Paris, théâtre du Lucernaire

Premier combat de Jean Moulin

Naissance d’un héros

Premier combat de Jean Moulin

On connaît la fin de la courte vie de Jean Moulin : son action à la tête du Conseil national de la Résistance et sa mort en 1944 après son arrestation par la Gestapo. On connaît moins bien le premier grand moment de sa courageuse existence. Préfet de la République à Chartres en 1940, dans une France en débâcle, il mit tout en œuvre pour que la population continue à être alimentée normalement et prit, au niveau municipal, les décisions qu’il jugeait justes. Les troupes allemandes arrivèrent. Un moment respecté, il fut vite menacé par les autorités d’occupation qui lui retirèrent ses fonctions et lui demandèrent de signer un document accusant de viol et de meurtre les soldats africains du détachement français présent dans la région. Refusant obstinément de signer ce faux, il fut incarcéré, tenta de se donner la mort en se tranchant la gorge, fut soigné par un médecin allemand et libéré sans explication. Avant de partir pour Londres, il eut le temps de coucher sur le papier le récit de ces jours-là. Il laissa le manuscrit à sa sœur qui enterra le texte dans le jardin familial en Provence. Ayant échappé à la destruction, le témoignage sera publié en 1947, aux éditions de Minuit, avec une préface du général de Gaulle.
Le metteur en scène Christian Fregnet a eu l’idée inattendue de porter au théâtre ce texte qui narre, sous la forme d’un rapport scrupuleux, la naissance d’un héros. Il a tendu un filet devant le public, pour donner un sentiment carcéral à l’espace et mieux évoquer l’endroit d’où parle la victime : la cellule que Jean Moulin partage avec un prisonnier noir, dans l’attente des décisions de la Gestapo. Il a découpé la parole en deux voix : celle de Moulin contant l’essentiel des événements, celle du voisin de cellule qui prend le relais pour énoncer les diktats allemands. C’est un double jeu : Valéry Forestier s’incarne vraiment en Jean Moulin et porte, avec une juste simplicité, presque tout le spectacle ; Christian Julien répercute les propos racistes des nazis, violemment anti-noirs, avec une sorte de fureur allègre. D’où le sentiment d’être à la fois dans l’Histoire et dans le jugement de l’Histoire. Ce spectacle éclaire avec originalité un moment de notre passé.

Premier Combat de Jean Moulin, mise en scène et scénographie de Christian Fregnet, costume de Marie-Sol Camus, lumières de Thomas Jay, avec Valéry Forestier et Christian Julien. Lucernaire, 18 h 30, tél. : 01 45 44 57 34, 18 h 30, jusqu’au 25 février. (Durée : 1 h 10).

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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