Monjour, Silvia Gribaudi
Le drôle de cirque de la chorégraphe italienne
« C’est pour vous ! », répète inlassablement la voix suave de Silvia Gribaudi, vraie manipulatrice et fausse directrice d’un spectacle qu’on ne sait pas nommer. Pendant que ses cinq boys s’exécutent sur le plateau, la chorégraphe italienne, assise au premier rang des spectateurs des Abbesses, micro à la main, encourage, conforte en français et en anglais comme dans les shows américains, soutient de ses "ah !" et "oui !" admiratifs ses cinq « magnifiques » danseurs et leur public.
Entre danse, comédie, cirque et cabaret, Monjour ne ressemble à rien de connu. Donnant au spectacle un tour toujours inattendu, Silvia invite le public à « prendre son temps », à se détendre, au besoin en faisant un peu de stretch sur son siège, à suivre un rythme qu’elle lance en tapant avec ses mains sur les différentes parties de son corps, à reprendre une romance à base d’onomatopées qu’elle entonne sotto voce.
Ce drôle de cirque a pour cadre une scénographie créée par la dessinatrice Francesca Ghermandi : un univers visuel pop, kitsch et désuet, en perpétuel mouvement, avec en toile de fond des films d’animation cinétiques ou des cartoons aux couleurs criardes devant quoi la clique cosmopolite composée de deux acrobates, deux danseurs et un comédien/clown, tous virtuoses, tendent vers plusieurs types de danse sans en embrasser aucune. Capables aussi bien de s’éclater sur une musique endiablée de Rossini que de se contorsionner dans des numéros de hip hop survoltés et époustouflants.
Chorégraphe clownesque
« Est-ce de la Capoeira ? », demande ensuite Silvia qui détricote le ballet étrange de deux garçons qui se tournent autour. Et les autres de répondre en cœur « Non ! ». Suivent d’autres questions sur d’autres prestations « Est-ce de la danse classique ? ».... « de la danse contemporaine ? » .... « du cirque... ? » A chaque fois tombe la même réponse unanime et catégorique « Non ! ». Surgit alors la bonne réponse : « C’est de l’amour ! ». Mais oui, bien sûr !
Déjouant avec humour les stéréotypes de la beauté et notre perception du corps au quotidien, la chorégraphe qui se qualifie de « clownesque » concentre depuis une vingtaine d’années ses recherches artistiques sur l’impact social du corps. Dans la dernière décennie, elle a mené un projet européen autour du thème du vieillissement dans la danse qui s’est traduit par plusieurs spectacles.
Plus récemment, elle s’est tournée vers des ateliers avec des non-danseurs dans des petits villages de montagne d’Italie. Autant de projets contrariés par la pandémie et l’isolement dans les villes qui a suivi, et qui l’a conduite à centrer son travail sur la communauté qui relie les artistes au public en partant du cirque. Monjour, qui en résulte, prend, dit-elle, chaque soir une forme différente. Mais gageons qu’il surprend, amuse et enchante toujours autant qu’il l’a fait pour nous au soir de la première.
"Monjour" de Silvia Gribaudi & Matteo Maffesanti, jusqu’au 19 février à 20h, au Théâtre des Abbesses, www. Theatredelaville-paris.com.
Avec Salvatore Cappello, Nicola Simone Cisternino, Riccardo Guratti, Fabio Magnani, Timothée-Aïna Meiffren, Silvia Gribaudi.
Création dessins : Francesca Ghermandi. Conseil Dramaturgique : Matteo Maffesanti Création Matériel Artistique : Silvia Gribaudi, Salvatore Cappello, Nicola Simone Cisternino, Riccardo Guratti, Fabio Magnani, Timothée-Aïna Meiffren. Lumières : Leonardo Benetollo. Musique : Nicola Ratti
A noter : Une Journée avec Silvia Gribaudi au Théâtre des Abbesses, le samedi 19 février, débutera à 11h30 avec une classe pour tous menée par la chorégraphe, suivie de films et documentaires, de « R.OSA », performance de son amie Claudia Marsicano, et se terminera à 20h par le spectacle « Monjour » suivi d’une rencontre avec la chorégraphe et ses danseurs.