Paris - Opéra Bastille jusqu’au 12 novembre 2008

La petite renarde rusée de Leos Janacek

Le bestiaire enchanté de Leos Janacek et d’André Engel

La petite renarde rusée de Leos Janacek

Une adorable fripouille vient de faire son entrée à l’Opéra National de Paris : rousse, finaude, craquante la petite renarde rêvée par un Janacek de 71 étés a enfin creusé son terrier sous et sur le plateau du vaisseau Bastille.

Jenufa, Katia Kabanova, l’Affaire Makropoulos, De la maison des morts, Journal d’un disparu : presque tous les opéras de l’immense compositeur tchèque étaient déjà inscrits au répertoire maison. Il y manquait La petite renarde rusée, cette perle composée à l’âge où le temps se rétrécit, quand l’enfance vient mêler ses songes aux derniers vagabondages de l’existence.

André Engel, metteur en scène d’une prestigieuse série de réussites théâtrales et lyriques, avait monté ce conte merveilleux à l’Opéra de Lyon puis au Théâtre des Champs Elysées de Paris, une production qui enchanta petits et grands. Sollicité pour hisser les aventures de l’irrésistible petite bête sur la scène de l’Opéra national parisien, la question se posa de tout remettre à zéro ou de reprendre la charpente d’un succès éprouvé et de l’améliorer. La deuxième option fut retenue. Tout fut reconstruit, peaufiné, approfondi, les beaux décors de Nicky Rieti, les ravissants costumes d’Elizabeth Neumuller. On ne s’en plaindra pas.

Un rendez-vous de charme et de poésie

Charme et poésie restent au rendez-vous dans une fluidité nouvelle, une sorte d’évidence dans l’enchaînement des scènes – les temps morts ont été gommés grâce à la machinerie sophistiquée de Bastille – on retrouve avec émerveillement les champs de tournesols aux larges sourires et ses drôles d’habitants, madame la chenille qui se déhanche avec son cerf-volant, mademoiselle libellule coquette dans sa robe de grand soir, les mouches farceuses sorties du collège, la grenouille sauteuse, le pivert, la chouette curieuse, le blaireau ronchon, le grillon danseur, les moustiques à longs nez armés de leur seringue pour pomper le sang des humains pourtant si peu appétissants… Et bien sûr le garde-chasse fanfaron qui fait le pari stupide d’apprivoiser la petite renarde toute jeunette, capturée à mains nues…

La nature plus forte que la mort

La ferme du garde-chasse, son chien sac à puces et ses poules qui font trémousser les plumes de leur popotin. L’auberge, le curé, l’instit, le monde des hommes et leurs guéguerres intimes, leurs petitesses, leurs jalousies alors que la renarde futée qui a pris la poudre d’escampette, a rencontré le renard de sa vie pour lui faire une belle nichée de renardeaux, filles et garçons… Les hommes étant ce qu’ils sont la renarde trop jolie finira par se faire descendre par un braconnier à cause de sa peau douce qui doit finir en manchon… Les saisons ont fait leur mue, l’hiver a blanchi la nature et le garde chasse a atteint l’hiver de sa vie : une petite renarde toute rousse, toute jolie, comme sa maman va lui tenir compagnie… le cycle se referme là où la nature se révèle plus forte que la mort.

Elena Tsallagova, petit miracle de fraîcheur

Le chef américain Dennis Russell Davies dirige avec grâce et précision cette musique d’allégresse et de mélancolie composée en état de grâce au crépuscule d’une vie vouée à la musique et à son terroir. Les enfants de la maîtrise des Hauts de Seine et ceux du chœur d’enfants de l’Opéra, lâchés sur scène comme une nuée de lutins chantent, dansent et font les acrobates d’un bestiaire enchanté. La plus belle trouvaille de la production étant la renarde en personne, incarnée par la soprano caucasienne Elena Tsallagova, ex-pensionnaire de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris, gracile et féline, le timbre fruité, le jeu délié et l’humour à fleur de pattes. Un petit miracle de fraîcheur.

La petite renarde rusée de Leos Janacek, orchestre choeurs et Atelier Lyrique de l’Opéra National de Paris, Maîtrise des Hauts de Seine, choeur d’enfants de l’Opéra National de Paris, direction Dennis Russell Davies, mise en scène André Engel, décors Nicky Rieti, costumes Elizabeth Neumuller, lumières André Diot, chorégraphie Françoise Grès. Avec Elena Tsallagova, Jukka Rasilainen, Hannah Esther Minutillo, Michèle Lagrange, David Kuebler, Roland Bracht, Paul Gay, Nicolas Marie, Anne-Sophie Ducret, Letitia Singleton, Elisa Cenni, Natacha Constantin, Xenia Fenice d’Ambrosio, Paul Crémazy, Slawomir Szychowiak.

Opéra Bastille, les 13, 16, 23, 29 octobre, 4, 7, 12 novembre à 19h30, les 19 octobre et 9 novembre à 14h30
08 92 89 90 90 - www.operadeparis.fr

Pour ce spectacle où il est particulièrement recommandé aux enfants d’emmener leurs parents – et grands-parents – l’Opéra de Paris offre une place gratuite à tout moins de 14 ans accompagné d’un adulte ayant payé sa place de 1ère, 2ème, 3ème catégorie au tarif en vigueur Offre valable pour les représentations des 26 octobre et 9 novembre à 14h30, 29 octobre et 4 novembre à 19h30.

Le 4 novembre à 19h30, les mordus d’Internet pourront capter en direct – et gratuitement - la diffusion du spectacle sur les sites www.operadeparis.fr , www.medici.tv, www.france2.fr . Cette captation restera disponible en différé jusqu’au 31 décembre sur ces mêmes sites.

Rappel enfin pour mieux connaître Janacek et l’aimer, il faut lire ou relire l’incontournable témoignage de Guy Erismann « Janacek ou la passion de la vérité » (éditions du Seuil).

Crédit photos : B. Uhlig/ Opéra national de Paris

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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1 Message

  • La petite renarde rusée de Leos Janacek 20 octobre 2008 16:23, par baato

    J’ai lu l’article de Caroline Alexandre avec le même ravissement que celui de la vision de La Petite Renarde rusée ce 13 octobre. Et j’y avais amené ma petite fille de 10 ans ! Je remercie aussi Caroline Alexandre d’avoir cité la biographie de Janacek par Guy Erismann (attention, il y a une édition plus récente (2004) que celle dont le texte publié dans le programme de l’Opéra de Paris est tiré).
    J’assume actuellement la présidence du Mouvement Janacek, association fondée précisément par Guy Erismann pour faire connaître et reconnaître Janacek en France. Cela a pris 20 ans.
    Pour poursuivre son action, le mouvement mènera des actions en 2009 pour cette fois faire mieux connaître Martinu. Si vous avez la possibilité, ne manquez pas de visiter le site du mouvement : mouvementjanacek.org
    Merci !

    Voir en ligne : http://mouvementjanacek.org

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