La fiancée vendue de Bedrich Smetana
Reprise sans surprise d’un bon produit standard
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- 6 décembre 2010
- Critiques
- Opéra & Classique
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Gérard Mortier, le prédécesseur de Nicolas Joël à la tête de l’Opéra National de Paris avait fait entrer au répertoire de la maison ce petit opéra emblématique de la musique tchèque du XIXème siècle, cette Fiancée vendue, créée en 1870 à Prague dont l’ouverture à l’entrain communicatif figure en bonne place dans nombre de concerts. Mortier, l’homme de l’avant-garde qui aimait donner des coups de canifs au ronron des traditions, cultivait un autre – petit- jardin secret : celui de l’amitié.
Cette fidélité explique la désignation de son compatriote, le Belge Gilbert Deflo, homme de tradition sans grande imagination, pour la mise en scène de cet opéra comique villageois plus bon enfant que dérangeant. Un point de vue qui allait s’inscrire dans le droit fil des goûts de l’actuel directeur, mais qui, deux ans après sa création, continue de laisser sur sa faim (voir webthea du 19 octobre 2008).
Une musique aux relents de terre et d’alcool de prunes
L’œuvre est charmante, sa musique irriguée par la sève des rites et danses de la paysannerie tchèque a des relents de terre et d’alcool de prune, son livret, signé Karel Sabina, pourrait s’inscrire dans un registre de contes et bluettes pour fêtes de fin d’année scolaire ou… fêtes de fin d’année tout court. A célébrer en famille. C’est l’histoire, en danses et en chansons, de Marenka qui se croit vendue par son fiancé Jenik au marieur Kecal. Pour 300 ducats, il l’aurait cédée au profit du fils du riche fermier Micha ! Mais celui-ci en a eu deux : Vasek, un peu simple d’esprit, né de son second mariage et… Jenik, enfant mal aimé du premier lit qui s’est enfui vivre sa ailleurs sa vie…Celui-ci accepte le troc à la condition exclusive que sa Marienka devienne bien l’épouse du fils de Micha… Et le tour est joué sur fond de quiproquos et rebondissements d’opérette tandis qu’une troupe de cirque ambulant embauche le brave Vasek pour prendre la peau de leur ours défaillant.
Les nouveautés se situent dans la fosse et sur la scène
On retrouve sans surprise et sans vrai déplaisir le décor unique de maisonnettes rouges surplombées de lampions, guirlandes et roues de kermesse, les voitures décapotables des années trente et leur va et vient tous phares allumés face au public, autant de ficelles de mise en scène qui ont fait leur temps mais qui fonctionnent dans le style des matinées enfantines. Le chœur et le ballet toujours chorégraphié par Micha van Hoecke, apportent leur vivacité, leurs grains d’humour et de fantaisie.
Les nouveautés se situent dans la fosse et sur la scène : un chef qui y débute joyeusement et une distribution, à l’exception du l’inusable second rôle Ugo Rabec, entièrement renouvelée. Constantin Trinks, directeur musical du Staatstheater de Darmstadt, ancien assistant des maestros Kazushi Ono, Thomas Hengelbrock, Christian Thielemann, colore joliment sans jamais la marteler la musique de Smetana, la fait danser en gaieté rustique. Une découverte. Et une confirmation, celle, fascinante de fraîcheur, de justesse, de clarté et de projection du ténor polonais Piotr Beczala qui fait de Jenik, un jeune premier à la fois lumineux et facétieux. Il est l’unique étoile d’un plateau plutôt terne où la soprano Inva Mula, corsetée dans une robe blanche qui lui donne une allure d’infirmière, minaude tant et plus, pour faire croire à Marenka, la petite jeune fille qui se croit trahie et où le baryton Jean-Philippe Lafont, à bout de souffle et de ressort, en fait des tonnes au niveau du jeu pour sauver du naufrage Kecal le marieur un rôle écrit pour voix de basse.
La direction d’acteur s’est mise aux abonnés absents.On en a parfois des fourmis dans les jambes quand, sur cette musique vive et déliée, des chanteurs de qualité comme Michael Druiett, Isabelle Vernet, Marie-Thérèse Keller viennent chanter leurs couplets face au public raides comme des piquets. C’est de l’opéra d’un autre temps. Qui ne secoue aucune idée reçue mais qui, par les couleurs arc en ciel de sa musique, réussit à faire passer un moment de détente.
La fiancée vendue de Bedrich Smetana, livret de Karel Sabina, orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris, direction Constantin Trinks, chef de chœur Alessandro di Stefano, mise en scène Gilbert Deflo, décors et costumes William Orlandi, lumières Robert Venturi, chorégraphie Micha Van Hoecke. Avec Oleg Bryjak, Isabelle Vernet, Inva Mula, Michael Druiett, Marie-Thérèse Keller, Andreas Conrad, Piotr Beczala (et Pavel Cernoch les 25 & 27 décembre) ; Jean-Phlippe Lafont, Heinz Zednik, Valérie Condoluci, Ugo Rabec .
Palais Garnier, les 4,7, 9, 13, 16, 20, 22 & 27 décembre à 19h30 – le 25 à 14h30
08 92 89 90 90 - +33 1 72 29 35 35 – www.operadeparis.fr