Paris, Petit Théâtre de Paris

La Mère de Florian Zeller

Le carrefour de tous les possibles

La Mère de Florian Zeller

Le théâtre de Florian Zeller aime les lignes de fuite, les lignes tremblées, les pistes qui se multiplient et ne mènent pas à une seule vérité. La Mère peut pourtant se résumer en un synopsis bien net : une femme vit mal sa solitude car le fils qu’elle aimait s’en est allé ; son mari n’est pas souvent là, il part sans cesse à des colloques (l’on devine que ces colloques sont plutôt des distractions privées). Voilà que le fils revient.
Le cœur de la femme bondit de joie. Mais une jeune femme viendra enlever ce fils rentré pour soigner une blessure mais non pour être le rejeton omniprésent que la mère comptait garder avec elle. Telle est l’histoire, telle est la trame. Mais les scènes sont répétées avec de légers décalages. L’absence du père se produit d’une façon, puis d’une autre, sur un autre tempo, selon d’autres éléments : le train qu’il va prendre n’est pas à la même heure, la valise n’est pas prête au même moment.
Le retour du fils se joue deux fois dans une situation qui est à peu près identique, et pourtant le dialogue n’est pas du tout le même. Ainsi presque chaque scène a plusieurs vérités ! Le drame de la mère est une certitude, traduit par la force des mots (« Vivre de nouveau avec mon fils, c’est la plus belle chose qui puisse m’arriver. Avec ta mort », dit-elle à son mari).
Le déroulement du drame est une absence de certitude : il a pu prendre une direction ou une autre. On ne peut attraper le fil de la vie et de la conscience qu’à travers l’éventail du possible.

Cette écriture est à la fois fort concrète et pas mal abstraite, très sensible et volontiers froide. Zeller a trouvé en Marcial Di Fonzo Bo un metteur en scène idéal car il sait faire donner à plein et associer ces dimensions opposées. Dans la lumière projetée par Bo, tout est aveuglant et doublé d’une part de mystère. Les acteurs sont dans cette intensité-là, et comme suivis de secrets à déchiffrer. Catherine Hiegel porte haut la blessure de la mère, sans cris, dans un désespoir vibrant des monts et des silences : encore une étape marquante dans la carrière de cette immense actrice. Jean-Yves Chatelais donne une formidable épaisseur au rôle du mari pitoyable. Clément Sibony et Olivia Bonamy interprètent une partition plus discrète mais le font avec force, dans une sorte deuxième plan en relief.
Le spectacle pourra décontenancer la part du public qui aime des œuvres plus directes, mais c’est du bel art moderne, comme ces tableaux faits de traits sûrs et de traces énigmatiques.

La Mère de Florian Zeller, mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo, décor et lumières d’Yves Bernard, musique d’Etienne Bonhomme, avec Catherine Hiegel, Jean-Yves Chatelais, Clément Sibony, Olivia Bonamy. Petit Théâtre de Paris, tél. : 01 42 81 01 81 (durée : 1 h 20).

Texte à L’Avant-Scène Théâtre.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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