Paris – Théâtre des Champs Elysées jusqu’au 14 mai 2010

La Calisto de Francesco Cavalli

Quand le maître de l’Olympe a le feu au cul, les nymphes ne restent pas vierges

La Calisto de Francesco Cavalli

C’est l’histoire "abracadrabrantesque" d’une vierge toute entière dévouée à sa maîtresse déesse et chasseresse - Diane ou Artémis selon ses origines - qui se fait berner par Jupiter roi des dieux aux pouvoirs caméléon et qui va la déflorer aux moyens de subterfuges pas très catholiques (forcément !). C’est le destin étoilé de la Calisto, nymphe abusée, trahie puis sublimée par un amant céleste. C’est le personnage clé d’une comédie coquine composée par Francesco Cavalli (1602-1676) sur un livret tiré des Métamorphoses d’Ovide, dans la lignée musicale directe héritée de Monteverdi (1567-1613) son génial prédécesseur inventeur de l’opéra.

On la voit peu, on l’entend peu cette Calisto tragi-comique redécouverte au tout début des années 70 du dernier siècle au festival de Glyndebourne où Raymond Leppard la fit enregistrer par Decca. Une version qu’on qualifierait aujourd’hui de simplifiée, sur instruments modernes mais dans laquelle brillaient quelques voix d’or, Janet Baker, James Bowman, Ileana Cotubras. Sa véritable résurrection scénique eut lieu à La Monnaie de Bruxelles en 1993 sous la signature du metteur en scène Herbert Wernicke, une production entrée dans les annales des grandes réussites de la maison d’opéra belge, reprise sans la moindre ride début 2009 (voir webthea du 21 février 2009). René Jacobs à la tête du Concerto Köln en assurait chaque fois la réécriture et la direction musicale. Un DVD est né de cette production devenue mythique depuis la mort prématurée de Wernicke.

Amoureuses gaudrioles

Une Calisto toute neuve s’affiche depuis le 4 mai au Théâtre des Champs Elysées qui depuis onze années a fait la part belle au répertoire de la Renaissance et du Baroque, et c’est avec l’une de ses œuvres rares - L’Argia de Cesti - que Dominique Meyer inaugurait son mandat en 1999. Il s’en va au sortir de cette saison 2009/2010, pour prendre les rênes de l’Opéra de Vienne et quitte sa maison parisienne sur ce Cavalli d’amoureuses gaudrioles. Cette fois revisité et réorchestré par Christophe Rousset et ses Talens Lyriques, promesse d’un double gage de rigueur et de recherche d’authenticité.

Macha Makeïeff, co-fondatrice de la tribu Deschiens avec Jérôme Deschamps, l’actuel directeur de l’Opéra Comique, décoratrice metteur en scène et plasticienne ayant imprimé sa griffe et son style entre marché aux puces et magasins Tati sur de nombreuses productions et expositions, s’est attachée à donner vie, humour et sensualité aux imbroglios de cœur et de cul, de ciel et de terre du petit monde galant de Cavalli qui, à l’occasion ; ne se gêne pas pour appeler un chat un chat. Sur un fond d’écran éclaboussé de constellations joufflues viennent s’inscrire toutes sortes d’objets échappés d’un musée de bandes dessinés, une carcasse d’avion de papier du nom de Phaeton, des dés géants pour les pokers d’amours et d’amourettes, des météorites égarées, des demi-lunes et des nacelles volantes qui transportent de haut en bas les voyageurs de l’Olympe.

Un petit air de Louise Brooks

Couleurs franches et lumières tamisées, on a l’impression de feuilleter un magazine pour lecteurs de 7 à 77 ans. Les costumes ont les mêmes découpes géométriques et coloris tranchés, un petit côté rétro qui donne à la Calisto de Sophie Karthäuser un air de Louise Brooks, coiffure coupée au carré et robe couleur cerise tandis que, chorégraphié par le malicieux Lionel Hoche, Pan et les satyres font trémousser les muscles de leurs torses et les poils de leurs croupes et queues. Et que veille, muet, le dieu amour sous la forme d’un petit écolier vêtu de blanc. Théâtre d’illusions à l’ancienne sans vidéo ni trucages technologiques. Pas de charge d’érotisme de bazar ou de plaisanteries de garçon de bain comme chez Wernicke, tout arrive et se déroule par touches crayonnées, rapides et légères.

On retrouve avec bonheur deux des interprètes de la production bruxelloise : l’exquise soprano belge Sophie Karthäuser en Calisto mutine, enfantine prise à son insu par l’éveil de ses sens dont la voix claire et fruitée s’allie à un jeu malin, et aussi, en Endimione le berger amoureux et aimé de Diane, le contre-ténor américain Lawrence Zazzo si juste et mélancolique dans ses complaintes. La basse Giovanni Battista Parodi, fringué en rocker chic campe avec panache et drôlerie ce fourbe de Jupiter habité par le démon de midi qui, sous la perruque rousse et les froufrous de sa propre fille Diane, métamorphose ses graves en voix de fausset, Véronique Gens, en Junon furie furieuse dévorée de jalousie, classe et voix royales, est parfaite. Le baryton Mario Cassi campe un Mercure déluré et complice, Milena Storti mezzo italienne une Linfea drolatique en manque d’orgasme et Sabina Puértolas en satyre irrésistible.

Macha Makeïeff dirige en humour et clins d’yeux rieurs tout ce petit mode volant et volatile qui n’a plus qu’à se mettre au service de la musique mais auquel se dérobe le grain de folie et de grivoiserie qui sont l’estampille de ce chef d’œuvre baroque.

A l’orgue, au clavecin, à la baguette, Christophe Rousset fait chanter les flûtes à bec, soupirer les cornets et danser les cordes des violons, violoncelles luths et chitarone. Tout est en place et là aussi presque trop respectueux. Il ne manque rien ou presque, tout juste ce petit décalage justement qui répondrait à celui à voir sur scène, cette pointe de drôlerie et de swing.

La Calisto de Francesco Cavalli, livret de Giovanni Faustini d’après Les Métamorphoses d’Ovide. Orchestre des Talens Lyriques, direction Christophe Rousset, mise en scène, décors et costumes Macha Makeïeff, lumières Dominique Bruguière, chorégraphie Lionel Hoche. Avec Sophie Karthäuser, Lawrence Zazzo, Giovanni Battista Parodi, Véronique Gens, Marie-Claude Chappuis, Milena Storti, Cyril Auvity, Mario Cassi, Sabina Puértolas, Graeme Broadbent, Axel Anselmo et Félix Deschamps (en alternance)

Théâtre des Champs Elysées, les 5, 7, 11, 14 mai à 19h30 et le 9 à 17h

01 49 52 50 50 – www.theatrechampselysees.fr

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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