Au Lucernaire jusqu’au 19 janvier 2025
La Belle et La Bête, par Sarah Gabrielle
Dans la petite salle du Lucernaire, les aventures de « La Belle et La Bête » impressionnent les petits et amusent les grands.
Trois acteurs pour six personnages, un décor réduit à sa plus simple expression, des effets spéciaux limités, La Belle et la Bête relève d’une économie de moyens manifeste. Mais grâce à beaucoup d’astuce et à des jeux de lumières et des projections vidéo sur des grands pans de tissus, la petite bande qui joue le fameux conte avec un entrain communicatif tire le meilleur parti de l’exiguïté de la petite salle du Lucernaire. Destiné au jeune public (à partir de six ans) mais aussi au plus aguerri, le spectacle bénéfice du savoir-faire de la metteuse en scène, Sarah Gabrielle, qui signe aussi l’adaptation. Depuis 2005 et la fondation de sa compagnie le Théâtre Mordoré, les grands récits de la littérature occidentale, d’Ulysse au Chaperon rouge en passant Pinocchio, n’ont pas de secrets pour elle, qui les adapte dans des spectacles polymorphes mêlant théâtre, musique, chant, danse.
Issu d’une longue tradition qui remonte à l’antiquité romaine, La Belle et la Bête tel qu’on le connaît aujourd’hui n’est pas signé Perrault ni Grimm mais d’une illustre inconnue : Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, préceptrice, dont le recueil Le Magasin des enfants (1756) est passé à la postérité. Maintes fois adapté à la scène ou au cinéma (les plus anciens se souviennent du mémorable film, surréaliste en diable, de Cocteau), le récit tourne autour d’un riche marchand campagnard veuf et ruiné qui voulant se refaire tombe dans les griffes d’un châtelain local, tellement laid qu’on le surnomme La Bête. Contre sa libération, ce dernier exige du père qu’il lui sacrifie l’une de ses filles. Et ce sera la plus belle et la meilleure d’entre les trois (les deux autres étant vilaines et méchantes) qui se portera volontaire.
Voyage dans l’espace et le temps
L’amorce de l’histoire, c’est une voix off (celle, très posée, de Daniel Mesguisch) qui l’énonce. Mais ensuite, ce seront les deux protagonistes, le Père et Belle, qui de temps à autre reprendront la lecture dans un gros livre, donnant l’impression que les personnages sortent directement de l’ouvrage pour vivre leurs aventures sur scène. Particulièrement soignés les costumes permettent de voyager dans l’espace et le temps : étincelante la Robe très XVIIIème siècle de La Belle contraste avec le visage hérissé de poils, de cornes et de dents pointues de La Bête.
Très fluide, sans temps mort, la mise en scène fait apparaître et disparaître les êtres et les objets, les lieux se transformant en un tournemain. Le tout sous le regard figé d’une inquiétante et cruelle fée virtuelle qui va et vient à sa guise. Tantôt terrifiantes, tantôt comiques, les aventures qui s’enchaînent en mêlant féérique et réalisme captivent les petits comme les grands.
Mention spéciale aux comédiens plein de vivacité qui animent le récit. A commencer par Baptiste Deschamps qui interprète à lui seul quatre personnages tout aussi réussis les uns que les autres : primo, les deux sœurs d’un même coup grâce à un truc qu’on ne révélera pas, secundo, La Bête repoussante qui se révélera pleine de tendresse, tertio le prince charmant qui clôt l’histoire en beauté (dans tous les sens du terme). Se son côté, Clémence Rousseau incarne une Belle d’aujourd’hui, débrouillarde et tenace qui parle cash à La Bête ; au prime abord, elle ne lui cache pas sa répugnance, mais elle tombe finalement sur son charme caché. Quant au troisième larron, Serge Noël, il interprète à la fois le père débonnaire qui rassure les petits et le bouffon qui avec ses blagues et ses clins d’œil à l’actualité amuse les grands.
La Belle et La Bête, au Lucernaire jusqu’au 19 janvier 2025, mercredis et samedis à 14H30, dimanches à 14h ; du mardi au dimanche pendant les vacances scolaires (sauf les 25/12 et 01/01/25), https://www.lucernaire.fr/theatre/la-belle-et-la-bete/
Adaptation et mise en scène : Sarah Gabrielle. Musique originale : Thanaël Ferrier-Mesguich. Son : Florent Ferrier. Lumières : Tom Bouchardon. Costumes : Alice Touvet. Décor : Camille Ansquer. Création vidéo : Baptiste Magnien.
Avec Baptiste Deschamps, Serge Noël, Clémence Rousseau, Sarah Gabrielle, voix off : Daniel Mesguich.
Tournée : du 5 au 16 mars 2025 au Théâtre Paris/Plaine
@ Fabienne Rappeneau