Opéra National de Nancy et de Lorraine

L’Elixir d’Amour

La basse-cour enchantée d’Omar Porras

L'Elixir d'Amour

Magie, humour, espièglerie, tendresse sont au rendez-vous de ce Donizetti de contes et de fables trop rarement joué. A Nancy, dont l’Opéra vient de se voir gratifié de l’appellation d’ « opéra national », une distinction méritée qui place enfin cette belle maison dans l’orbite des grands, Laurent Spielmann, son patron, a confié au Colombien Omar Porras le soin de mettre en jeu, en images et en danses ce melodramma giocoso, petit bijou de commedia dell’arte, de fantaisie et de bel canto. Choix judicieux qui aboutit à un spectacle exquis, véritable ode au merveilleux, peuplé d’elfes et de lutins et surtout d’une basse-cour délurée en becs pointus et plumes plantées en pétard.

L’un des compositeurs les plus prolifiques de son temps

Etrange destin que celui de cet opéra bouffe, l’un des derniers du genre, annonciateur des vagues romantiques du XIXe siècle, qui connut un triomphe tapageur à sa création avant de se trouver relégué dans un tiroir de curiosités. Donizetti (1797-1848) fut sans aucun doute l’un des compositeurs les plus prolifiques de son temps. En 51 ans de vie, dont une trentaine d’âge adulte, il réussit à composer soixante dix opéras et d’incalculables partitions de musiques diverses pour pianos, orgue, et d’admirables musiques de chambre. A Bergame dont il était natif, des petits jaloux s’amusèrent à un jeu de mot avec son nom, transformant Donizetti en Dozinetti : la douzaine, chiffre par lequel on disait qu’il livrait ses œuvres. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Pour une Lucia di Lammermoor représentée chaque fois qu’est découverte la colorature capable d’en chanter les envolées acrobatiques, combien de Don Pasquale, Favorite, Anna Bolena ou Roberto Deverreux que l’on sort ici ou là de l’oubli ? Après avoir définitivement enterré tous les autres...

Un univers de sucre d’orge et de pain d’épices

Un petit regain d’intérêt vient pourtant de naître autour des philtres imposteurs de son Elisir d’Amore : après la production nancéenne qui fera escale à Caen, Rennes et Reims jusqu’en juin 2006, l’Opéra de Paris en proposera en mai prochain une version vue et revue par Laurent Pelly.
Omar Porras, metteur en scène et chorégraphe né à Bogota, installé à Genève où il a fondé un centre de création et de recherche (le Teatro Malandro) s’est fait connaître en France par une série de créations originales (La Visite de la Vieille Dame, Ubu Roi, El Don Juan). Il affronte ici pour la première fois un ouvrage lyrique et le moins qu’on puisse dire est qu’il y a trouvé ses marques. Prenant au pied de la lettre la fable pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un conte, dans l’esprit des frères Grimm, il la transpose dans un univers de sucre d’orge et de pain d’épices, avec des fleurs de papier qui poussent au gré du vent, des arbres porteurs de fruits d’or et un végétal nu aux branches en échelle sur lequel se pose en jouvenceau ailé Nemorino, l’amoureux transi de la belle Adina.

Dans la joie et l’innocence

Pour Porras tous les héros de l’aventure sont des volatiles à l’exception d’un seul : Dulcamara, l’apothicaire bonimenteur qui fait passer un vulgaire Bordeaux pour le philtre d’amour de Tristan et Yseut. Ainsi, seuls les prototypes de la race humaine sont voleurs et escrocs. Ailleurs il y a les vantards, comme le coq en chef Belcore et son armée de coquelets en uniformes ou les entremetteurs tel la Gianetta qui tire les ficelles de l’intrigue en révélant à toute la basse-cour que le pauvre Nemorino vient d’hériter de la fortune d’un oncle oublié. Si bien que le gentil soupirant croit dur comme fer que le philtre seul a rendu toutes les filles folles de lui. Puis tout se terminera dans la joie et l’innocence.

La distribution a la fraîcheur grandeur nature de l’enjeu : une vraie troupe de jeunes talents venus d’horizons aussi variés que le Kazakhstan de Maïra Kerey, soprano qui a fait ses études à Pekin et qui incarne en charme et malice Adina, l’aguicheuse ou la Turquie de Soner Bülent Bezdüz qui est passée entre autres par le CNIPAL de Marseille et fait craquer tous les cœurs avec son Nemorino enfantin à la diction parfaite et au timbre dont la douceur compense le manque de puissance. Nigel Smith caquette, Laure Baert fouine et Till Fechner fanfaronne en camelot de foire. Entre malice, tendresse et allégresse, Sébastien Rouland, 33 ans, donne pour sa part des ailes à l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy.

L’Elixir d’Amour de Gaetano Donizetti, orchestre symphonique et lyrique de Nancy, chœurs de l’Opéra de Nancy et de Lorraine, direction Sébastien Rouland, mise en scène et chorégraphie Omar Porras, décors & création de masques Fredy Porras, costumes Coralie Sanvoisin, avec Maïra Kerey, Soner Bülent Bezdüz, Nigel Smith, Till Fechner, Laure Baert et dix danseurs. Opéra de Nancy et de Lorraine, les,3,7,9 & 11 février à 20h, le 5 à 15h - 03 83 85 33 11 - Au Théâtre de Caen les 7 & 9 avril, à l’Opéra de Rennes, les 17,19 & 21 mai, au Grand Théâtre de Reims les 4 & 6 juin.

Crédit photos : Ville de Nancy

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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