Théâtre de l’Atelier (Paris)
Je sais qu’il existe aussi des amours réciproques (... mais je ne prétends pas au luxe)
Tendresse et légèreté
Assurément, le spectacle de Jérôme Kircher et Irène Jacob aura le Molière du spectacle au titre le plus long. Mais ce n’est certes pas sa moindre qualité. Je sais qu’il existe aussi des amours réciproques, sous cette affirmation rassurante se love une adaptation originale, éclectique et électrique de Gros-câlin, le célèbre roman de Ajar - Gary, le serpent le plus célèbre de la littérature depuis Kâa, de Rudyard Kipling. Monsieur Cousin est un célibataire soliloquant comme un solitaire lunaire et poète. Lorsqu’il emprunte un ascenseur, il ne pense pas à Roux et Combaluzier mais à des escales paradisiaques. Il recherche la tendresse, le regard des autres. Lors d’un voyage, il rencontre Gros-câlin. Avoir un python comme animal domestique pose des problèmes d’intendance, plus contraignant que d’ouvrir une boîte et de descendre trois fois par jour son chien pour une promenade sanitaire. La confrontation de Gros-câlin et du monde est un mélange d’humour et de réflexions joliment désabusées. Monsieur Cousin est comme son animal familier. Il digère lentement la pâle réalité quotidienne.
Des chemins de traverse
Thierry Fortineau a déjà remporté le Molière du meilleur comédien dans son adaptation très réussie du livre. Seul en scène, il donnait à cette balade son charme dégingandé. Alors pourquoi et comment une nouvelle adaptation ? Irène Jacob, Jérôme Kircher et Benoît Delbecq ont empoigné le roman et ont écouté la petite musique, la chansonnette de monsieur Cousin. L’adaptation est libre, comme une variation musicale, en forme de fugue. Nous suivons ces promeneurs solitaires dans des chemins de traverse. Monsieur Cousin est interprété par Irène Jacob. Elle porte à ravir le chapeau et nous entraîne dans les vertiges, les digressions du maître de Gros-câlin.
Un spectacle inattendu aux fragrances vespérales
Le python a été adopté par trois artistes en liberté, faisant fi d’embarrassantes conventions théâtrales. Nous les suivons dans leur déambulation poétique et musicale. Benoît Delbecq ne joue pas seulement du piano, il bruite, joue, interprète une partition sur mesure. Les éléments de décors montés sur roulettes glissent, passent. Les projections vidéo d’Éric Vernhes font écran de toutes surfaces et donnent corps aux lieux visités par monsieur Cousin. Tout passe, tout glisse, tout est fredonné. On est ragaillardit par ce spectacle inattendu aux fragrances vespérales. En un mot comme en cent, ce spectacle a la grâce. Il touche par sa tendresse, sa légèreté, son intelligence. Qu’elle est jolie Irène Jacob avec son chapeau de travers, qu’il est charmant Jérôme Kircher avec ses petits yeux malicieux. On quitte à regret les trois comparses. Un spectacle que l’on trouve trop court, c’est tellement rare !
Je sais qu’il existe aussi des amours réciproques (... mais je ne prétends pas au luxe). D’après Gros-câlin d’Émile Ajar et Romain Gary. Spectacle sonore et musical.
Mise en scène : Jérôme Kircher. Musiques : Benoît Delbecq. Avec : Irène Jacob, Benoît Delbecq, Jérôme Kircher. Théâtre de l’atelier : 0.892.707.705. www.théâtre-atelier.com