Parc des Buttes Chaumont, Paris 19ème

Guignol de Paris

Quand le Guignol Lyonnais monte à Paris

Guignol de Paris

Paris ne peut pas tout revendiquer et même si le personnage de Guignol « monte » à Paris vers la fin du 18°siécle, alors qu’il est né à Lyon peu avant la révolution, il défend ses origines et son identité. Quelques mots d’histoire : Peu de temps après la révolution française les canuts lyonnais se retrouvent, comme d’autres artisans de plus en plus au chômage. Il faut alors se reconvertir : L’un des leurs Laurent Mourguet ( 1769- 1844 ) se fait marchand forain et tel Tabarin, deux siècles plutôt, qui officiait au Pont-Neuf, il deviendra camelot et arracheur de dents (…cursus habituel des marchands ambulants…).

Pour attirer sa clientèle il joue quelques parades à l’aide de marionnettes de sa propre fabrication. Après avoir épuisé le répertoire italien il cherche une esthétique différente afin d’échapper au chapardage des personnages haut en couleurs de la commedia dell’arte il crée en premier la marionnette de Guignol, cordonnier de son état et de plus légèrement avinée.
La technique reste sensiblement la même que celle des Italiens soit marionnette à gaine animée par en dessous et se prêtant de façon mixte à une sorte de manipulation dite « gantée ». Les poupées font sensiblement 40 centimètres de haut et évoluent à la bande du castelet traditionnel. Comme on doit pouvoir le discerner sur la photo accompagnant le texte l’intérieur du castelet est bordé de petits panneaux perpendiculaires à chaque côté, ils comportent des motifs d’intérieurs ou d’extérieurs. Cette technique favorise de rapides changements de décor souvent pratiqués à vue et de factures tout à fait conventionnelles.

L’intérêt, encore de nos jours, c’est le mélange d’une tradition d’animation qui tente d’être le plus réaliste possible et l’apport d’une convention théâtrale utilisant de manière totalement arbitraire l’exiguïté d’un espace.
À remarquer au passage que la marionnette évolue pratiquement en mimétisme complet avec le manipulateur et que le spectateur perçoit intuitivement ces codes et qu’il s’autorise alors à s’abandonner à la douce rêverie de l’illusion. De même que les textes alimentés par le contenu des revendications des canuts s’expriment sur un champ de paroles relativement distancié tout en s’aiguisant sur des propos quasiment à la limite du vulgaire.
Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Un art méprisé par certains penseurs se noyant dans le convenu. Un type de spectacle relégué dans le placard à jouet des enfants. Un manque de curiosité sur l’origine de Guignol et de sa mutation ? Fort heureusement il y a un combat pour faire connaître le théâtre de marionnettes et d’animation. Il y a de plus en plus de festivals prônant et accueillant cette forme quelque peu délaissée alors qu’elle fait la joie du grand public. Il suffit de penser au soutien qu’apportent des revues tel que « Cassandre » qui vient de sortir un excellent numéro au titre ironique et iconoclaste digne de l’esprit revendicateur de Guignol « Je hais les marionnettes » N°69 du printemps 2007 de la revue trimestrielle « Cassandre » www.horschamp.org ou 01 40 35 00 98 ou 33. On y trouvera une étude pertinente sur les actuelles recherches envers le théâtre d’animation et voire le théâtre d’objets. À recommander prioritairement ( Dans les jours qui suivent nous écrirons spécialement pour cette revue dans la rubrique « Actualités »). Puisque nous citons des livres, quant à des ouvrages sur l’histoire même de Guignol d’origine lyonnaise on peut se référer sans restriction à l’ouvrage de Lèon Riotor « Lyon, Guignol et les canuts lyonnais » Editions Pierre Roger de 1931 avec de très belles reproductions de gravures. Mais patience, vous ne pourrez pas le commander chez votre libraire de quartier ( Même s’il en reste encore un ) mais si vous avez la main « violette » vous le dénicherez peut-être au square Georges Brassens ou sur les quais de la Seine, caché au fond des nostalgiques caissons des bouquinistes.

Heureusement que l’on soit d’accord ou pas avec cette facture la tradition s’entretient. Il nous reste encore à Paris quelques îlots de résistance qui maintiennent cette mémoire. Il est vrai que c’est relégué dans les squares, abandonné en pâture pour des spectacles d’enfants avec des qualités plus qu’inégales..

Pour appréhender ce reste de tradition nous sommes donc rendus au « Guignol de Paris » Parc des Buttes Chaumont Paris 19°. Le cadre est agréable puisque qu’on se trouve dans les petits vallonnements artificiels des Buttes-Chaumont. Ce parc est un jardin public situé au nord-est de Paris, dans le XIXe arrondissement. D’une superficie de 24,73 hectares, il est le troisième plus grand des 426 jardins que compte Paris (le premier étant le parc de la Villette et le deuxième le jardin des Tuileries). Napoléon III le fit réaliser par Haussmann ; son concepteur est Jean-Charles Alphand qui a aménagé aussi entre autres le bois de Boulogne, avec la courbe détrônant la ligne droite de la tradition française du paysage.

À ce jour on y découvre à quelques pas de l’entrée à l’angle de l’avenue Simon Bolivar et de la rue Botzaris une loge tenue par monsieur Gérard Cony, marionnettiste de son état de père en fils, maison de confiance fondée en l’an 1892. Cet emplacement fut vendu à cette date par un nommé Gautard qui le cède aux sieurs Legris et Alexandre Cony. Ce dernier, en 1928 avant sa mort en 1929, transmet la concession, qu’il détiendra à part entière au décès de son associé, à son fils, Gaston, qui la transmettra également à son propre fils, propriétaire à ce jour : Gérard Cony.

Aussi étrange que cela puisse être la concession actuelle est renouvelable par tacite reconduction pour trois mois seulement. Espérons donc que la lenteur labyrinthique et sinusoïdale de l’acheminement « paperassistique » fasse perdre un tel temps que la boucle trimestrielle n’ait pas le temps de se mordre la queue et qu’ainsi le bail se pérennise par stagnation.

Donc Gérard Cony toutes marottes dressées tente à bout de bras de tenir haut l’effigie de Guignol à Paris. C’est-à-dire que pour les besoins de la cause Gérard a du déraciner Guignol de sa région lyonnaise pour le transplanter à Paris. On y trouvera donc de nouveau code, par exemple, Nicolas sera le fils de Gnafron et Manon s’appellera Madelon et pour la couleur locale et l’esprit frondeur les aventures de guignol auront des suites quasiment feuilletonesques. À savoir que l’on pouvait antérieurement y vivre des séquences y inscrivant, hélas des thèmes relatant les tragédies de l’époque de guerre : Guignol mobilisé, Guignol pendant la guerre, guignol à la libération etc …..

Aujourd’hui, bien sûr, Gérard Cony s’est adapté à notre époque : il présente dans la forme la plus classique du théâtre de Guignol des sortes d’avertissements à la portée des jeunes spectateurs, des thèmes sur le vol et l’avarice, canevas sans doute emprunté à « l’avare » de Molière. La manipulation est excessivement précise et donne une illusion de vélocité, elle démultiplie les distances et les espaces et l’on retrouve avec son bonheur d’enfant les attitudes, gestes et expressions qui font « le Guignol » de notre mémoire. On y entend même la résonance mate de la joyeuse matraque de Guignol qui vient s’écraser avec une sournoise complicité sur la tête creuse du pauvre gendarme. La salle participe en émettant des onomatopées traduisant des frayeurs affectées.

C’est animé avec beaucoup de dextérité. Si on entre dans le jeu de cette facture particulière en sachant abandonner notre à priori on devient alors réceptif au témoignage d’une époque et d’un genre à sauvegarder. Alors, on s’immisce, s’initie à la magie et à la poétique de ces marionnettes-là.


Le Guignol de Paris, Parc des Buttes Chaumont Paris 19°.Mer.Sam.Dim. Fêtes et jours de vacances à 15 h 30.Entrée : 3 € ou 2 € 50 .Réservation 01 43 64 24 29

A propos de l'auteur
Jacky Viallon
Jacky Viallon

Jacky Viallon aurait voulu être romancier à la mode, professeur de lettres ( influencé par les petites nouilles en forme de lettres qu’on lui donnait tout petit dans sa soupe et qu’il taquinait avec sa grande cuillère en argent symbole d’une grande...

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