Aubervilliers, Théâtre de la Commune

Farenheit 451 d’après Ray Bradbury

Guerre aux livres !

 Farenheit 451 d'après Ray Bradbury

« Gavez les gens de données, inoffensives, incombustibles, gorgez-les de « faits », qu’ils se sentent bourrés de faits, mais absolument « brillants » côté information. Ils auront alors l’impression de penser, ils auront le sentiment du mouvement tout en faisant du surplace. Et ils seront heureux parce que les connaissances de ce genre sont immuables. Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie pour relier les choses entre elles. C’est la porte ouverte à la mélancolie. […] Tout ce que je réclame, c’est de la distraction. » Ainsi parle le capitaine des pompiers dans le célèbre roman de Ray Bradbury, Farenheit 451. On connaît la trame de ce classique de la science-fiction : l’humanité vit désormais dans une société qui a banni l’existence du livre. Dans un monde pris en main par des policiers et des pompiers, les autodafés ont lieu jour et nuit. Un employé modèle se met à avoir des doutes. Alors que sa femme est totalement conquise par la politique du bonheur généralisée, il met de côté quelques livres (dont la Bible) et noue des contacts avec un renégat. De quoi faire exploser sa vie privée et sa vie professionnelle. Car il ne pourra agir dans le secret sans être repéré et châtié.

On imaginait mal ce roman transposé au théâtre. A priori, le cinéma (Truffaut y avait pensé ! ) lui convient mieux. Mais David Géry a trouvé le moyen de resserrer l’intrigue et de donner à l’anticipation une vie visuelle tout à fait convaincante. Les relations entre les personnages sont simples. Le spectacle sait les rendre saisissantes et poignantes. On brûle des livres, on fonctionne au lance-flamme. Le spectacle sait rendre cela aussi. De tels effets spéciaux sont rarissimes en scène. Ils sont, ici, fort bien réalisés. Quentin Baillot incarne le héros avec une fièvre intense. Lucrèce Carmignac et Clara Ponsot donnent deux visions de la femme opposée, avec un grand art de la suggestion. Alain Libolt compose l’autorité légale en acquérant – ce qui n’est pas dans sa palette habituelle – une présence sobrement terrifiante. Simon Eine campe le marginal en mêlant habilement l’étrangeté et l’ambiguïté. Gilles Kneusé et Pierre Yvon joue divers rôles, parfois dans des appareillages dignes de cosmonautes, avec agilité.
C’est l’une des plus belles mises en scène de David Géry, grâce à qui cette grande fable moderne va sans doute toucher les publics les plus larges. Avec sa liberté d’images (les décors, mobiles, ne restent pas en place ! ) et un climat toujours intense, c’est certainement un spectacle à faire tourner parmi la jeunesse, et pendant des années !

Farenheit 451 d’après Ray Bradbury, adaptation et mise en scène de David Géry, assistante à la mise en scène Florence Lhermitte, conseillère artistique et enregistrement des voix off Laura Koffler-Géry scénographie de Jean Haas, effets spéciaux et pyrotechnie de Jeff Yelnik lumières de Dominique Fortin, musique de Jean-Paul Dessy, vidéo de David Coignard, costumes de Cidalia Da Costa assistée d’Anne Yarmola, maquillages de Sophie Niesseron, avec Quentin Baillot, Lucrèce Carmignac, Simon Eine sociétaire honoraire de la Comédie-Française, Gilles Kneusé, Alain Libolt, Clara Ponsot et Pierre Yvon. Théâtre de la Commune, Aubervilliers, tél. : 0148 33 16 16, puis tournée (Scène nationale de Sénart, 19-23 février).

Photo Philippe Delacroix

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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