Montpellier

FESTIVAL DE RADIO FRANCE ET MONTPELLIER

A MONTPELLIER LA MUSIQUE EST DANS TOUS SES ETATS

FESTIVAL DE RADIO FRANCE ET MONTPELLIER

Coups d’envoi réussis pour le Festival de Radio France et Montpellier qui depuis 22 ans, à l’heure de juillet, inonde la ville de mille et une musiques. Classiques, bien sûr, symphoniques, lyriques, de chambre, mais aussi électroniques, de jazz et du monde.

Mercredi 12 juillet la manifestation prenait son envol avec la redécouverte d’un opéra oublié de Marin Marais (1656-1728), lui-même rangé au rayon des archives jusqu’à ce que le cinéaste Alain Corneau en ressuscite l’histoire et la musique dans son film magnifique Tous les matins du monde. Sémélé donc, son ultime opus, donné en version de concert par des spécialistes inspirés des sonorités baroques, Hervé Niquet et son ensemble Le Concert Spirituel qui travaillent en résidence à l’Opéra de Montpellier. Sémélé, tragédie d’une princesse dont les amours adultérines avec le dieu Jupiter déclenchent les fureurs de Junon, l’épouse trompée à la jalousie féroce, fut créée en 1709, sans grand succès si bien que Marin Marais, le plus grand gambiste de son temps, abandonna le genre lyrique et reprit son archet pour se consacrer à d’autres formes musicales. De l’original il ne reste guère de version complète et c’est le musicologue Gérard Geay du Centre de Musique Baroque de Versailles qui vient d’en restaurer les manques. Debout au milieu de ses instrumentistes - les théorbes jouent dans son dos - Hervé Niquet papillonne des doigts, dirige du menton, insuffle à chacun, à chacune une énergie contagieuse qui fait déferler les tempêtes, les orages et autres guerres célestes qui secouent le destin des héros, entre deux pastorales avec bergers et musette. Pas de gosiers étoilés dans la distribution mais une bande jeunes chanteurs aussi convaincus que convaincants notamment dans la maîtrise de la diction : celle de Blandine Staskiewicz, blonde Sémélé à la voix ronde aussi belle à regarder qu’à entendre, celle de Hjördis Thébault, Junon déchaînée au timbre implacable, la basse Stephen MacLeod en Mercure, les barytons Thomas Dollé et Marc Labonnette pour Jupiter et Cadmos, le contre-ténor Emiliano-Gonzales-Toro en Adraste encore un peu hésitant. Une version scénique de cette même Sémélé, avec les mêmes interprètes sera proposée début 2007 à l’Opéra-Comédie de Montpellier.

Anniversaire oblige : celui du divin Wolfgang Amadeus n’aura pas totalement éclipsé tous les autres, notamment celui de Marin Marais, son aîné d’un siècle, qui sera célébré cet automne au cours des Grandes Journées du Centre de Musique Baroque de Versailles. Avec un passage de sa Sémélé par Hervé Niquet le 23 octobre au Théâtre des Champs Elysées de Paris.

La reprise de Jeanne d’Arc au Bûcher d’Arthur Honegger et Paul Claudel qui fut l’un des événements majeurs du précédent festival de 2005 enchanta une fois de plus ceux qui le découvraient et ceux qui s’étaient précipités pour le revoir. Oratorio dramatique en onze scènes sur un texte de Claudel qui fait corps avec la musique, fleuve charnu voguant entre mysticisme et appel à la terre, envolées lyriques et chants populaires. Grandiose et pourtant sans grandiloquence, un sacré morceau de poésie où le parler et le chanter ont autant d’importance que le chœur et l’orchestre. La gracile Sylvie Testud enfila à nouveau les habits de Jeanne qui lui vont si bien. Toute petite, aussi droite qu’un point d’exclamation, lumineuse du dedans comme du dehors, elle est bien la petite fille courage, la paysanne habitée qui sauva la France et mourut sans regret. Eric Ruf en frère Dominique, allure droite et voix sereine, lui apporta calme et paix. Alain Altinoglu fait rouler l’Orchestre National de Montpellier sur tous les registres de la musique d’Honegger, ses couleurs en arc-en-ciel qui s’éclairent en psaumes comme en berceuses ou chansons des rues. Les chœurs d’adultes enfouis dans des travées, silhouettes grises et noires comme des armées de l’ombre et ceux des enfants d’Opéra Junior soutenaient la partition en foi et joie. La mise en images de Guy Scarpitta illustra avec élégance et pertinence les stations de ce singulier chemin de croix où dansent des ânes, où des masques de carnaval défient la nuit et où Jeanne, crucifiée en robe écarlate, s’envole vers l’infini.

Gourmandise de 14 juillet : Gérard Depardieu, familier du festival auquel il prête son concours depuis quatre saisons déjà, mit entre parenthèses son Obélix de l’Astérix nouveau qu’il tourne actuellement en Espagne pour lire quelques lettres de Beethoven avec la complicité du quatuor Aron, musiciens de Vienne qui connaissent les mystères de Beethoven jusqu’au bout de leurs archets. Guy Scarpitta en fit une sorte de veillée funèbre en clair obscur et bougies vacillantes. Il eut, hélas, la mauvaise idée de placer derrière un tulle, qui fait écran à sa présence, le magnifique comédien de théâtre qu’est Depardieu. Sa carrière au cinéma a presque fait oublier qu’il joua autrefois, entre autres performances, Botho Strauss sous la direction de Claude Regy. Mais le souffle, le timbre passèrent quand même la rampe pour nous dire, avec émotion et retenue, les confidences tragi-comiques de ce grand homme que fut Beethoven, condamné par sa surdité à ne jamais entendre la musique sublime qu’il composait.

La fête se poursuivra jusqu’au 29 juillet, avec ses vedettes Evgueni Kissin, Aldo Ciccolini, Hilary Hahn, Augustin Dumay, ses talents à découvrir, ses concerts gratuits à 18h et, en point d’orgue, la création mondiale de Fiesque, opéra d’Edouard Lalo qui, le soir du 27, au Corum, sera interprété par une brochette de stars : Roberto Alagna, Angela Gheorghiu, Béatrice Uria-Monzon... Il paraît que c’est déjà complet. Mais comme Radio France veille au grain, on pourra l’entendre dans le poste.

Festival de Radio France et Montpellier - Renseignements, réservations : 04 67 02 02 01. www.festivalradiofrancemontpellier.com

Rectificatif du 20/07/06 : défection d’Angela Gheorghiu pour la création de Fiesque. Elle sera remplacée par la soprano Michelle CANNICCIONI dans le rôle de Léonore

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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