Opéra National de Paris Bastille

De la maison des morts

Prison de lumière pour les damnés de la terre

De la maison des morts

Y a-t-il un espoir pour les condamnés à mort d’un bagne sibérien ? S’inspirant du récit autobiographique de Dostoïevski Souvenirs de la maison des morts, Leos Janácek répond oui. Le mince espoir de la rédemption par la souffrance et le remord. Le compositeur de Jenufa, de Katia Kabanova, de La Petite renarde rusée et de L’Affaire Makropoulos a 72 ans, est enfin reconnu dans son pays et chemine mentalement vers la fin de son parcours d’homme, d’artiste et de moraliste. La religion se glisse dans les interstices : « en chaque créature, une étincelle de Dieu  », inscrit-il en exergue de son ultime opéra. Et traduit en musique cet appel du monde des damnés vers un monde enfin apaisé... Au final, une œuvre singulière d’à peine une heure et trente minutes, où il ne se passe presque rien, où se croisent simplement, en une suite de scènes, des morts-vivants traînant la culpabilité de leurs crimes et de leurs fautes, un no-man’s land mental et physique fait de ruptures et de colères, de clameurs grondées et de larmes refoulées.

Une réalisation paradoxale

A Bastille, l’Opéra National de Paris a repris une mise en scène de Klaus Michael Grüber réalisée en 1992 pour le Festival de Salzbourg quand celui-ci était dirigé par l’actuel directeur parisien, Gérard Mortier. Une réalisation paradoxale, en décalage à la fois avec les habitudes de ce metteur en scène allemand qui aime tant les ténèbres et avec un sujet qui narre la vie, la survie, voire l’absence de vie d’un groupe d’hommes en phase finale d’errance. Ces murs blancs ensoleillés d’Eduardo Arroyo, ces costumes couleur paille d’Eva Dessecker, bien propres, bien repassés, tout cela évoque davantage un camp de vacances de style club med qu’un camp de forçats relégués dans l’enfer sibérien. De sorte que la vigoureuse, trop vigoureuse, direction d’orchestre du jeune chef allemand Marc Albrecht semble brasser dans le vide les tempêtes d’une partition pourtant faite pour nous toucher au cœur. La distribution a les qualités d’un travail de troupe, une solide homogénéité d’où émergent le jeune Danois Johan Reuter dans le périlleux monologue de Chichkov et l’adorable Gaële Le Roi dans le rôle de l’adolescent Aleia. Tandis que José Van Dam, seule vedette du casting, semble se contenter d’une sorte de figuration illustrée dans les brèves interventions du prisonnier politique Goriantchikov.

De la maison des morts, de Leos Janacek, livret du compositeur d’après Dostoïevski, direction musicale Marc Albrecht, mise en scène Klaus Michael Grüber, décors Eduardo Arroyo, costumes Eva Dessecker, avec, entre autres, José Van Dam, Gaële Le Roi, Johan Reuter, David Bizic, Hubert Delambloye, Jerry Hadley... Opéra Bastille, les 14, 19,23,27 & 30 mai, 1,6,9,12 juin à 20h. Tél. : 0 892 89 90 90.

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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