Paris – Théâtre de l’Athénée jusqu’au 13 janvier 2013

Croquefer et l’Ile de Tulipatan de Jacques Offenbach

Les Brigands mettent en liesse les pitreries jubilatoires d’Offenbach

Croquefer et l'Ile de Tulipatan de Jacques Offenbach

Depuis dix ans le rendez-vous de décembre de la compagnie Les Brigands avec le théâtre de l’Athénée est devenu l’événement attendu pour les fêtes de fin d’année. Après quelques détours du côté de Léo Delibes, Henri Christiné ou Claude Terrasse, ils reviennent à leur compositeur mascotte, l’inépuisable Offenbach dont Les Brigands fournirent le nom de leur joyeuse troupe.

Dans les réserves de sa petite centaine de compositions où les chefs d’œuvre- Orphée aux Enfers, La belle Hélène, Les Contes d’Hoffmann ou autre Vie Parisienne – côtoient des pochades musicales, ils ont déniché cette fois une farce pseudo médiévale et une pantalonnade à l’antique que le compositeur situe « à 25.000 km de Nanterre, 473 ans avant l’invention des crachoirs hygiéniques » (sic).

Croquefer ou le dernier des paladins composé en 1857 et L’île de Tulipatan créé onze ans plus tard forment donc le diptyque de leur cru 2012. Le premier vaut davantage par les noms bouffons de ses personnages – Mousse-à-mort, Ramasse-ta-tête, Fleur-de-soufre...- que par leurs péripéties sans queue ni tête où un paladin de pacotille tient en otage la fille de son pire ennemi, laquelle est amoureuse de son neveu et tralala, youp la la : un purgatif servi en guise de vin d’honneur met tout le monde à quatre pattes pour la réconciliation finale. C’est un petit truc pour rire en chantant et en dansant, une sorte de pied de nez aux bonnes manières façon potache pipi caca dont les pensionnaires des Brigands s’emparent à la façon des Monty Python. Sans mettre de gants...

Pour un rire bon enfant

L’astuce vient de la scénographie de Thibaut Fack qui a posé debout un miroir géant, incliné de manière à refléter et à mettre à la verticale ce qui se passe au sol à l’horizontale. Effets comiques garantis quand les personnages surgissent et rampent comme des pantins d’une sorte de boîtier muni de trappes. Livret (Adolphe Jaime et Etienne Tréfeu : ils se sont mis à deux !) et musique (Offenbach dans la cour de récré) sont troussés pour un rire bon enfant et rien de plus.

L’île de Tulipatan par un Offenbach en pleine gloire met la barre plus haut à travers une histoire tout aussi loufoque mais infiniment plus poétique. Un roi Cacatois XXII est très fier de son héritier Alexis, même si celui-ci est d’une timidité de première communiante. Son premier ministre aimerait trouver chaussure au pied de sa fille Hermosa, même si celle-ci a des conduites de garnements ! Ces pères si dignes ont hélas été trompés par leurs épouses, la première honteuse d’avoir mis au monde une troisième gamine, la fait passer pour un garçon, la seconde ayant accouché d’un petit gars en pleine guerre, ne voulant pas l’envoyer sur le front, le déclare au féminin. Les quiproquos tournent au délire, mais ils sont gentiment taillés par Alfred Duru et Henri Chivot pour les textes et portés par un Offenbach en verve cocasse.

La mise en scène de Jean-Philippe Salério s’articule autour des jeux de miroir de Thibaut Fack. Omniprésents dans la première partie, ils se font plus classiques dans la seconde, se contentant de doubler les espaces – salle comprise – et les personnages. Le procédé est connu, mais il fonctionne. Les costumes d’Elizabeth de Sauverzac, passent d’une tranche à l’autre avec les mêmes sourires dans les plissés moqueurs, les traînes royales et les épées fluo échappées de La Guerre des Etoiles.

Désopilant Flannan Obé

La troupe s’amuse. Loïc Boissier, l’un des fondateurs de la compagnie glisse du muet Mousse-à-mort au volubile monarque Cacatois, Emmanuelle Goizé joue et chante les vrais faux garçons avec le panache qui est sa marque de fabrique, écuyer dévoué d’abord, puis chérubin-chérubine grisée par la découverte du désir. Lara Neumann à la voix de verre filé joue à l’otage en rogne puis à la mère de famille dévoreuse avec le même abattage. Mention spéciale pour Flannan Obé campant un Croquefer de bande dessinée avant d’exploser en fausse fille introvertie se muant garçon pas manqué du tout, travelo malgré lui, se livrant à un ballet irrésistible où se déchaînent les ambiguïtés. Désopilant.

Christophe Grapperon dirige musiciens et chanteurs sur le même tempo déchaîné entre fanfare et bal musette.

Croquefer ou le dernier des paladins et L’Ile de Tulipatan, musique de Jacques Offenbach, livrets de Adolphe Jaime et Etienne Tréfeu et Alfred Duru & Henri Chivot. Compagnie Les Brigands, orchestration pour neuf musiciens Thibault Perrine, direction musicale Christophe Grapperon, mise en scène Jean-Philippe Salério, scénographie de lumières Thibaut Fack, chorégraphie Jean-Marc Hoolbecq, costumes Elisabeth de Sauverzac. Avec Lara Neumann, Flannan Obé, Emmanuelle Goizé, Loïc Boissier, François Rougier (en alternance avec Olivier Hernandez)

Théâtre de l’Athénée – du 20 décembre 2012 au 13 janvier 2013, du mercredi au samedi à 20h, le dimanche à 16h, lundi 31 décembre à 20h.

01 53 05 19 19 – www.athenee-theatre.com

En tournée : le 15 janvier au Fanal scène nationale à Saint-Nazaire (44)

Photos : Claire Besse

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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