Opéra National de la Monnaie à Bruxelles

Cosi fan Tutte et Il Re Pastore

Mozart à la Monnaie

Cosi fan Tutte et Il Re Pastore

Les Cosi fan Tutte, en célébration du 250e anniversaire de la naissance de Mozart se suivent sans se ressembler sinon dans la volonté de quelques-uns de faire du neuf à tout prix. La production que vient de présenter La Monnaie de Bruxelles illustre ce tic nerveux qui consiste à balayer les traditions, les choses déjà vues comme des scories et leur trouver des produits de remplacement. Ici une serre géante, vide de tout végétaux et de tout mobilier, tient lieu et place du logis napolitain des sœurs Dorabella et Fiordiligi. Elles s’y ébattent à même le sol en déshabillés saut du lit confectionnés par le couturier Christian Lacroix que l’on vient subitement à soupçonner de misogynie... La misogynie semble d’ailleurs être le parti pris majeur de la mise en scène de Vincent Boussard, ex-assistant en France de quelques aînés de talent et de renom comme Yannis Kokkos. Ainsi le marivaudage désenchanté de Mozart et Da Ponte, ses jeux de l’amour et du désir hérités de Marivaux sont transformés en une mascarade bouffonne à laquelle on cherche vainement un sens.

Un pic de grotesque

Quand les deux sœurs transportent un clavecin (ou un piano forte ? On ne sait pas car il est fermé) pour le poser par terre, à l’envers, pattes en l’air, qu’elles s’y vautrent à plat ventre et le barbouillent à mains nues de peintures fraîches, on se pose des questions qui restent sans réponse. Quand Despina chipe clope sur clope à un Don Alfonso tabagique, quand Guglielmo et Ferrando se croient au cirque en en grimpant aux murs et jouent les acrobates en s’accrochant aux poutres, quand les mêmes traversent en bombes humaines les vitres de la serre pour s’étendre tête la première dans le sable, on se dit qu’un pic de grotesque a été atteint... Constatation d’autant plus navrante que dans les gesticulations infligées aux jeunes chanteurs, il devient difficile de juger sereinement des qualités de leurs voix. On connaît les mérites du jeune baryton français Stéphane Degout, pas trop grave donc si en Guglielmo équilibriste on ne le reconnaît plus tout à fait. Pour la soprano argentine Virginia Tola, la mezzo espagnole Maria José Montiel ou le ténor slovaque de 26 ans Pavol Breslik, en dépit de timbres prometteurs, de charme et de fraîcheur, les interrogations restent ouvertes sur leurs capacités de maîtrise.

Il re Pastore : pas -de relecture tarabiscotée

Heureux effet de balancier, la reprise de Il re Pastore, opéra de jeunesse composé à l’âge de 19 ans et déjà gorgé de toutes les merveilles à venir, mis en scène il y a trois ans par le même Vincent Boussard, combla toutes les attentes. Une histoire de berger, de bergère et de monarque éclairé, une fable pastorale qui commence en drame et finit dans la réconciliation générale et le bonheur des amoureux. Aminta le berger aime Elisa la bergère et tous deux roucoulent leur amour dans leur grange et dans les prés jusqu’à ce que Alexandre, roi de Macédoine, reconnaisse en Aminta l’incarnation de son successeur... D’où un imbroglio de situations piégées où chacun cherche désespéramment sa chacune... et finit par la trouver. Les récitatifs, les arias, les duos se succèdent jusqu’à un superbe chœur final. Pas d’effet de manches de relecture tarabiscotée : la mise en scène, devant un rideau de scène pas même relevé à hauteur d’homme, est presque humble et cela lui va bien au teint.

Le charme de la représentation

Tout se passe à hauteur de la fosse d’orchestre et en complicité ludique avec le chef Enrique Mazzola et ses instrumentistes. Les personnages jouent devant le rideau, apparaissent et disparaissent d’un coup de tête derrière lui ou le perce d’une porte supposée s’ouvrir sur un décor à imaginer. C’est ce non vu qui fait le charme de la représentation, cette part de rêve dans les lumières pastel d’Alain Poisson laissant aux chanteurs le champ libre. D’une distribution à la juvénilité parfois encore verte se détachent, Annette Dasch, soprano allemande, qui confère solidité et lumière à Aminta, le berger jusque dans ses trilles aériennes et l’Italienne Raffaella Milanesi aussi vive dans ses vocalises que captivante dans son jeu et son joli sourire.

Cosi fan tutte, de Mozart et Da Ponte, orchestre et chœur de La Monnaie de Bruxelles, direction Alessandro de Marchi, mise en scène Vincent Boussard, décor Vincent Lemaire, costumes Christian Lacroix, lumières Alain Poisson, avec Virginia Tola, Maria José Montiel, Stéphane Degout, Pavel Breslik, Marina Comparata, Andrea Concetti, les 24 et 27 janvier, 1,3,7,9,10,11,14 février à 19h -

Il Re Pastore de Mozart et Pietro Metastasio, orchestre symphonique de La Monnaie de Bruxelles, direction Enrique Mazzola, mise en scène et décors Vincent Boussard, costumes Christian Lacroix, lumières Alain Poisson, avec Bruce Ford, Annette Dasch, Silvia Colombini, Raffaelle Milanesi, Juan José Lopera , les 28 & 31 janvier, 2 & 8 février à 20h. Opéra National de La Monnaie - Bruxelles.

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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