Paris - Théâtre de L’Etoile du Nord - jusqu’au 5 avril 2008, puis en tournée

Cette Nuit de Maria Zachenska d’après Dostoïevski

Démons et damnés sont toujours parmi nous

Cette Nuit de Maria Zachenska d'après Dostoïevski

Un plateau nu, noir, ceinturé d’une bande de cailloux clairs, quelques chaises et d’étranges voyageurs aux bagages hétéroclites… Exilés, en quête de racines, en quête de repères, prêts à tout pour donner un sens à leur errance… Ils vivent en Suisse, de nos jours et portent des noms russes, des noms qui firent l’histoire vraie et l’histoire romanesque de la Russie de Dostoïevski : Nicolas Stavroguine, Stepan et Piotr Vekhovenski, père et fils, Varvara Petrovna Stavroguine, Lisa, Daria et Ivan Chatov, frère et sœur, Kirilov, les damnés du nihilisme des « Possédés », alias « Les démons » que Camus avait adapté au théâtre en 1959, Wajda au cinéma en 1988 et qu’aujourd’hui Maria Zachenska, écrivain, metteur en scène transpose dans le vide idéologique qui ravage notre monde.

Elle a gardé les caractères des personnages d’origine mais leur a inventé une nouvelle géographie et de nouveaux axes de révoltes : ces immigrés vivant dans le vase clos de leur communauté dans une nation étrangère, totalement indifférente à leur destin, à leurs questionnements, vont se trouver une raison d’exister, et mieux encore de renaître. Le retour à la foi en sera le moteur, la foi orthodoxe dont la mission sera de rendre à la Russie son identité et sa raison d’être. Ils sont toujours athées mais la foi des simples leur servira d’étendard. Leur arme sera le terrorisme à base de kamikazes calqués sur ceux qui se font exploser au nom de l’islamisme…

Un sommet d’humour macabre

De retour de Boston où il a étudié et séjourné, Nicolas, reste l’intellectuel froid et séducteur du nihiliste d’origine, Piotr, son ami et adorateur, a gardé le caractère halluciné, manipulateur, amoral de son modèle, son père Stepan est toujours ce vieux libéral mou dont les visées humanistes ne dépassent guère l’état de théories de salon. Varvara Petrovna est plus que jamais mère possessive jusqu’à l’hystérie, Lisa, Daria, Ivan, Kirilov sont tous présents dans des variantes empruntées au quotidien de notre temps. Jusqu’au final où l’absurdité d’une vie volontairement sacrifiée atteint une sorte de sommet d’humour macabre.

Pour suivre les méandres intérieurs des uns et des autres, mieux vaut sans doute connaître les contours de leurs modèles. L’adaptation de Maria Zachenska est à la fois libre dans les vagabondages de la pensée et intimement liée à ses origines littéraires.

Une fièvre qui emporte le spectacle comme un fleuve en crue

Mais de la confrontation des êtres et des caractères naît une sorte de fièvre qui emporte le spectacle à la manière d’un fleuve en crue. La mise en scène est dense, rapide, le jeu des acteurs constamment sur le fil de la folie fascinent : Stéphane Comby fait de Nicolas une sorte golden boy, « yuppie » revenu de toutes les illusions des oncles d’Amérique, Jacques Allaire fait monter en spirale la folie de Piotr, le stratège halluciné, Serge Gaborieau campe un Stepan à l’élégance surannée, Tatiana Stepantchenko, la vraie russe de la distribution, en a la charme et les débordements : sa Varvara, mère ravageuse, icône autoritaire d’une monde révolu, tourbillonne en tornades échevelées.
Anne-Lise Main, Stéphanie Schwartzbrod, Olivier Peigné, Nicolas Struve, Louis Jean Corti, tous sont d’une formidable vérité.

Le message passe. Dostoïevski reste présent. Les révolutionnaires sont toujours en quête d’absolu. L’absolu échappe toujours à la raison. Démons et damnés sont toujours parmi nous.

Cette nuit de Maria Zachenska, librement inspirés des Possédés de F.M. Dostoïevski, par la compagnie Parallèles, texte et mise en scène Maria Zachenska, scénographie et costumes Georges Vafias, lumière Jean Macqueron. Avec Tatiana Stepantchenko, Serge Gaborieau, Stéphane Comby, Jacques Allaire, Anne-Lise Main, Stéphanie Schwartzbrod, Olivier Peigné, Nicolas Struve, Jean-Louis Corti.

Paris – Théâtre L’Etoile du Nord : jusqu’au 5 avril, les mardi, mercredi, vendredi à 20h30, jeudi à 19h30, samedi à 16h et 19h30 – 01 42 26 47 47
Le Perreux – Centre des Bords de Marne – du 12 au 15 avril
Valenciennes – Le Phénix – automne 2008

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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