Marseille - Théâtre Toursky
Beethoven, Léo Ferré et les folles utopies de Richard Martin
Ludwig ! Réponds ! T’es sourdingue ma parole
- Publié par
- 22 septembre 2006
- Critiques
- Opéra & Classique
- 0
Dans ce haut lieu de convivialité marseillaise qu’est le Théâtre Toursky, niché en bordure de La Belle de Mai, quartier populaire bruissant de vie, chaque année, Richard Martin, patron de la maison, rend hommage à l’homme qui fut son ami et dont il aime à transmettre la poésie et la philosophie, Léo Ferré. Tout d’ailleurs, là-bas, évoque l’auteur de Jolie Môme et des Anarchistes, à commencer par l’adresse, baptisée « promenade Léo Ferré ».
Ferré ne mit pas seulement en musique ses propres textes et ceux de ses prédécesseurs de prédilection, les Rutebeuf, Villon, Verlaine ou autre Aragon, il composa deux opéras ainsi que des pages pour orchestre symphonique. Il dirigea même en personne le « tube » de son inspirateur favori, Ludwig van Beethoven, la 5ème symphonie et son « pom,pom,pom » qui trépide dans les mémoires comme une rengaine de caf’conc’.
La voix de Léo le rebelle au monde
Cet automne 2006 Richard Martin fit les choses en grand en s’associant carrément les musiciens de l’Opéra, pupitres enthousiastes de la Philharmonique de Marseille, transplantés pour l’occasion sur le plateau du Toursky. En guise des trois coups, tous feux éteints, une voix off s’éraillait, entre colère et supplique, invitant la musique à descendre dans la rue, la voix de Léo, le rebelle au monde, s’en prenant à Ludwig, l’insoumis coupé du monde. D’où le titre en apostrophe du spectacle.
Ce fut en quelque sorte une introduction sur l’esprit du lieu, avant de céder lumière et espace au jeune Franck Villard qui dirigea la fameuse 5ème de Beethoven avec la foi du charbonnier, avec sans doute plus de rage que de nuances mais sans rien ôter au plaisir. La Symphonie Interrompue de Ferré, beau morceau de musique échappée du romantisme, interprétée par la suite, ne cherchait pas à s’y mesurer, juste à faire entendre un pouls qui bat trop vite.
Les bras levés et la tête dans les étoiles
Echarpe rouge sur polo noir, et bottillons vermeils, Richard Martin raconta à sa façon quelques textes de Ferré : Préface, ode à la poésie qui fout le camp mais qui devrait être « clameur à entendre comme la musique », Marseille ou la passion d’une ville s’ouvrant sur l’eau comme sur l’infini, Ni Dieu, ni Maître, cet autre chant des partisans... Richard Martin les a fait siens, il ne les chante pas, il les dit en coeur vibrant, les bras levés et la tête dans les étoiles. Le public lui fait une ovation debout. Comme pour le remercier de sa contagieuse fraternité.
Théâtre Toursky à Marseille - concert du 16 septembre 2006 - 0820300033