Théâtre National de Nice

Actes de Tchekhov

Acteurs en liberté... surveillée

Actes de Tchekhov

Une des premières choses que Daniel Benoin ait faite, en s’installant à la tête du Théâtre National de Nice, c’est d’engager plusieurs comédiens à demeure. Pour recréer un véritable esprit de troupe. Un vrai privilège dans le théâtre français où la plupart des compagnies ne sont en fait que des structures administratives qui reconstituent leur équipe artistique, projet après projet. Mais Daniel Benoin, metteur en scène et animateur de troupe, n’est pas égoïste. Plusieurs fois par an, il convie d’autres excellents confrères à profiter des moyens et des talents dont il dispose. Après Alfredo Arias, voici donc Daniel Mesguich, Niçois d’adoption. Benoin et Mesguich sont deux compagnons de la première heure, même s’ils ont évolué dans des univers théâtraux somme toute assez différents. Pour la circonstance, Mesguich, qui ne proteste pas quand on le présente comme un shakespearien averti, a choisi de plonger dans l’œuvre d’un auteur certes marquant, en tout cas l’un de ceux qui sont le plus souvent montés dans nos contrées, mais bien différent : Anton Tchekhov. Il a également annoncé, en prime, une intention supplémentaire louable : installer vraiment les comédiens au centre du jeu. C’est la raison pour laquelle ce n’est pas une pièce de Tchekhov qu’il a retenue, mais une série de scènes ou même d’extraits, choisis parce qu’ils correspondent à ses yeux à la personnalité de ses interprètes du moment.

Marquer l’œuvre de son empreinte

Pour cela, il a donc pioché dans Platonov, Ivanov, L’Ours, Oncle Vania, La Mouette, La Demande en mariage, l’ouverture se faisant avec un texte succulent, bien que plus atypique, Les Méfaits du tabac. Les errances et les souvenirs d’un vieil acteur, accompagné par son souffleur, sont censés faire le lien entre ces fragments.
L’entreprise est sympathique et intéressante. Pourtant, on constate assez rapidement que le procédé n’est pas sans risque : on n’est pas loin de l’exercice de style un peu vain et on n’échappe pas à certains effets répétitifs. Surtout, il est évident que le metteur en scène s’est progressivement éloigné de ses intentions originelles, au fur et à mesure de son travail de préparation, ne résistant pas à ce qui, aux yeux de tant de metteurs en scène est une nécessité vitale : marquer l’œuvre de son empreinte. Cela ne se traduit pas ici, comme fréquemment chez Daniel Mesguich, par des tics de scénographie ou par une certaine emphase lyrique dans la direction d’acteurs. Sa marque se retrouve plutôt dans sa volonté de tirer l’œuvre de Tchekhov vers le comique, fut-il grinçant, un parti pris qui à l’évidence ne nous est pas familier et qui à dire vrai ne nous paraît pas incontestable.

Le plaisir de jouer des comédiens

D’autant que Mesguich fait preuve, à cet égard, d’une insistance parfois lassante, en tout cas aux antipodes de ce que l’on devrait d’abord retenir de ce spectacle : la légèreté et surtout le plaisir de jouer des comédiens, virevoltant de scène en scène, déplaçant eux-mêmes les rares éléments de décor, passant d’un personnage à l’autre, d’une situation à l’autre, avec une allégresse joyeuse qui n’interdit évidemment pas l’indispensable concentration. Ils méritent ainsi d’être chaleureusement applaudis, même s’ils ne sont pas tous et tout le temps irréprochables, cédant parfois à l’approximation ou au cabotinage. Bref, si Daniel Mesguich acceptait d’alléger et d’abréger l’ensemble, autrement dit de revenir à ce qu’il annonce, s’il faisait vraiment confiance à ses comédiens et s’en tenait à ce que racontent effectivement les textes, il tiendrait là un spectacle tout ce qu’il y a de plus recommandable.

Actes de Tchekhov, d’après différents écrits d’Anton Tchekhov, mise en scène : Daniel Mesguich, décor : Jean-Pierre Laporte, costumes : Dominique Louis, Patrock Meeus, assistante à la mise en scène : Emmanuelle Duverger. Avec Linda Blanchet, Paul Chariéras, Paulo Correia, Matthieu Cruciani, Sophie Duez, Florent Ferrier et Sarah Mesguich. Théâtre National de Nice, du 29 avril au 14 mai. Tél : 04 93 13 90 90.

Photo : Fraicher / Mathey

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Stéphane Bugat

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