AIX-EN-PROVENCE 2023 (4)

• Publié par Noël Tinazzi
• 10 juillet 2023
• Critiques
• Opéra & Classique
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Après le succès de Written on Skin en 2012, le Festival d’Aix-en-Provence s’offre la création d’une nouvelle œuvre du même duo : le compositeur George Benjamin pour la musique et le dramaturge Martin Crimp pour le livret. De plus petit format, Picture a Day like this, donné en première mondiale au charmant théâtre à l’italienne du Jeu de paume, tient en un acte très (peut-être trop) dense : environ une heure quinze sans entracte. À visée universelle, l’œuvre relève du conte fantastique, de la fable morale, et puise son inspiration dans divers récits populaires, orientaux ou bouddhistes, partagés par plusieurs cultures sous des nuances variées.

L’histoire retrace une journée particulière dans la vie d’une femme. Celle-ci vient de connaître le malheur absolu : elle a perdu son enfant « à l’âge où il venait de prononcer sa première phrase ». Mais elle apprend que le tragique événement pourra être aboli si elle parvient à rencontrer quelqu’un qui connaisse un bonheur véritable, ce qui aurait le pouvoir de rendre la vie à son enfant. Commence alors une quête où elle va faire plusieurs rencontres, un peu à la manière d’une Alice adulte errant au pays des merveilles. Or, les sept personnes qu’elle rencontre tour à tour auraient toutes les raisons d’être heureuses, mais n’y parviennent pas. La dernière rencontre aura lieu dans un jardin enchanté mais sa créatrice et hôtesse, l’énigmatique Zabelle, est-elle heureuse ? Rien n’est moins certain…

Baume consolateur

La scénographie situe le voyage de la femme dans un cadre moderne sombre et glacé, architecture industrielle, réserve de musée ou morgue, prolongement de son espace mental. En contraste flagrant avec cet univers désespérant, la très spectaculaire installation vidéo signée du plasticien Hicham Berrada éclaire la séquence finale du jardin enchanté de ses couleurs chatoyantes. Sans aller jusqu’au happy end, cette vision paradisiaque fonctionne comme un baume consolateur pour la femme qui comprend alors qu’elle doit se résigner à son destin.

La musique rend compte de ce mouvement perpétuel, de ce tournoiement d’émotions dans une fluidité d’états sonores et d’atmosphères. Chacune des sept séquences musicales offre sa tonalité légèrement différente, avec toutefois le retour de combinaisons instrumentales et harmoniques plus ou moins repérables.

C’est Sir George Benjamin lui-même qui dirige son œuvre à la tête d’un orchestre qu’il fréquente depuis une quinzaine d’années, le Mahler Chamber Orchestra, fondé par Claudio Abbado au sein du Festival d’Aix, en 1997. Constamment présente sur scène, la mezzo Marianne Crebassa donne au personnage de la Femme une candeur empreinte de profondeur. Très maîtrisé, son lamento déroule les nuances de la quête angoissée, de la douloureuse brûlure du deuil impossible jusqu’à la résignation finale. Quatre autres chanteurs se partagent l’ensemble des rôles, certains en incarnant plusieurs, vocalement plus caractérisés pour les hommes que pour les femmes.

Très lisse, le spectacle glisse jusqu’à son terme sans rien qui détonne. On ne regrette que sa fugacité.

photo Jean-Louis Fernandez

Picture a day like this, opéra en un acte de George Benjamin et Martin Crimp. Théâtre du Jeu de paume, jusqu’au 23 juillet (www.festival-aix.com).
Direction musicale : Sir George Benjamin. Mise en scène, scénographie, dramaturgie, lumière : Daniel Jeanneteau, Marie-Christine Soma. Costumes : Marie La Rocca. Vidéo : Hicham Berrada. Avec Marianne Crebassa, Cameron Shahbazi, Fatma Said, John Brancy, Anna Prohaska. Orchestre Mahler Chamber Orchestra.