Paris, théâtre de la Colline jusqu’au 3 avril 2011

Les Grandes Personnes de Marie NDiaye

Tout le monde n’a pas la chance de naître orphelin

Les Grandes Personnes de Marie NDiaye

Marie Ndiaye tire à boulets rouges sur la famille, sur les mensonges des adultes qui détruisent assurément les enfants. Deux couples amis. A ma droite, une famille bourgeoise qui a caché à leur fille que son père n’était pas son père et a adopté un enfant africain pour faire une bonne action. Les enfants, qui ont quitté ces parents impossibles reviennent, en même temps, 17 ans plus tard, mais on ne les entend pas plus maintenant qu’autrefois. A ma gauche, une famille modeste qui tient en son pouvoir le fiston maître d’école qui a viré pédophile faute d’avoir réussi à échapper au vampirisme parental qui l’a empêché de grandir. Comme les enfants, il dit "les grandes personnes" pour désigner les adultes. Les parents obsédés par l’image d’un fils idéal n’entendent pas sa détresse et son appel au secours. En contre-point, la mère (Aïssa Maïga) du jeune garçon violé par le maître dit sa colère et demande que la vérité soit dite. Celle-là est à l’écoute de son enfant.

La mise en scène de Christophe Perton ne parvient pas à traduire cet étrange mélange entre métaphore poétique et réalisme et les acteurs ont du mal à trouver leur marque dans cet espace simplifié, exception faite pour Christiane Cohendy et Evelyne Didi , et surtout Aïssa Maïga qui réussit justement cette union improbable de la poésie et du réalisme. Elle est cette belle femme africaine qui se dresse contre les hommes pour faire justice à son enfant mais dans une langue qui la soustrait à une simple incarnation pour l’élever au rang de figure poétique. Elle est l’amour maternel tendre et généreux face à l’égoïsme dévastateur. Comme si les partitions de ces trois femmes étaient plus puissantes et abouties que celles des hommes. Il faut dire que l’écriture très littéraire de Marie Ndiaye dégage une certaine préciosité qui entre en conflagration avec la violence triviale du sujet, générant un trouble qui n’est pas seulement dû au propos politiquement incorrect. Loin de se tortiller sur son siège pour chasser le malaise suscité par le spectacle de notre médiocrité, on regarde avec une certaine indifférence l’agitation des personnages et on s’emploie à relever les failles de cette machine de guerre qui ne touche pas complètement sa cible.

Les Grandes Personnes de Marie NDiaye. Mise en scène Christophe Perton, scnéographie Christian Fenouillat et Christophe Perton. Lumière Kevin Briard, son Fred Bühl, costumes Sylvie Skinazi. Avec Stéphanie Béghain, Christiane Cohendy, Roland Depauw, Evelyne Didi, Adama Diop, Vincent Dissez, Aïssa Maïga, Jean-Pierre Malo. Durée : 1 h 45. A Paris au théâtre national de la Colline jusqu’au 3 avril. Le mardi à 19 h 30 ; du mercredi au samedi à 20 h 30 ; le dimanche à 15 h 30. Téléphone : 01-44-62-52-52.
www.Colline.fr

Texte aux éditions Gallimard

photos E.Carecchio

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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