Paris - Théâtre du Châtelet
LA FLUTE ENCHANTEE DE W. A. MOZART ET E. SCHIKANEDER
Un doublé en blanc et noir
- Publié par
- 4 octobre 2009
- Critiques
- Opéra & Classique
- 0
Fidèle à la politique des brassages culturels de Jean-Luc Choplin, la rentrée lyrique du Châtelet de Paris prend son élan sur un doublé autour de l’incontournable Mozart, l’enfant divin qui, quoiqu’il lui arrive, fait battre les cœurs et courir les foules.
A l’affiche, son ultime chef d’œuvre cette Flûte Enchantée, qui fut aussi son testament, jouée en deux versions : la première pour trois courtes représentations, vient de Montpellier et se conforme – presque - à l’original. La seconde, à découvrir à partir du 8 octobre, a fait le voyage depuis le Cap en Afrique du Sud après une escale d’un an dans le West End de Londres où les marimbas et le regard singulier sur Mozart de Mark Dornford-May et son Isango Portobello Company remportèrent un triomphe.
Une imagerie pleine de songes et des commentaires verbeux
Signée Jean-Paul Scarpitta la mise en scène de la Flûte supposée traditionnelle ne fera pas le tour du monde et ne laissera pas d’empreinte majeure. Son imagerie pleine de songes, ses animaux fantastiques, ses paons, licornes dansantes et lion d’or géant malicieusement articulé à vue, ne compensent pas son principal défaut : le substitution des récitatifs et dialogues du « Singspiel » par les commentaires verbeux de deux récitants qui annoncent les actions et expliquent leur portée « philosophique » - C’est prendre à contre sens le conte initiatique de Mozart et Schikaneder et lui faire perdre toute sa substance. Maçonnique ou non, la démarche reste essentiellement celle d’un mystère à découvrir étape par étape dans un monde de poésie et d’utopie. Quand Ingmar Bergman filme La Flûte Enchantée à l’usage des enfants, il se contente de leur raconter l’histoire et cela suffit amplement pour leur ouvrir les voies de l’imaginaire. Voilà donc Mozart coupé en tranches et amputé de quelques unes de ses transitions dramatiques et musicales !
La présence rayonnante de Sandrine Piau
Avec plus d’application que de rutilance, Lawrence Foster dirige l’Orchestre National de Montpellier Languedoc-Roussillon. Le résultat est honnête mais il lui manque ce supplément d’âme qui est la marque de fabrique de cet œuvre. Danseur, acrobate, marionnettiste l’emportent sur les chanteurs aux voix inégales : un Monostatos barbouillé de blanc (Vasily Efimov) parfois à la limite de l’audible, un Sarastro (Petri Lindroos) qui peine à descendre dans les abysses de ses graves, à l’inverse de la Reine de la Nuit (Uran Urtnasan Cozzoli) qui atteint les cimes de ses vocalises mais savonne son médium et son texte. Sympathiques et solides Papageno et Papagena (Detlef Roth et Malin Christensson) et Tamino charmant (Frédéric Antoun) mais à la tessiture un peu trop mate et au jeu raidi. Le plaisir – des yeux et des oreilles - est pourtant au rendez-vous, grâce aux délicieux trois garçons, solistes doués du Chœur d’enfants Opéra Junior et surtout grâce à la lumineuse Sandrine Piau, mozartienne habitée, Pamina à la présence rayonnante et au timbre fruité.
On attendra avec gourmandise la version africaine de cette Flûte qui permettra de mesurer, si besoin en était encore, à quel point le message de Mozart est universel.
La Flûte Enchantée de W. A . Mozart, livret de E. Schikaneder
Théâtre du Châtelet
Version classique : chœur et orchestre national de Montpellier Languedoc-Roussillon, direction Lawrence Foster, conception, mise en scène Jean-Paul Scarpitta, textes rajoutés Jean-Paul Scarpitta et Clémence Boulouque . Avec Sandrine Piau, Frédéric Antoun, Detlef Roth, Uran Urtnasan Cozzoli, Petri Lindroos, Malin Christensson, Vasily Efimov, Ana Maria Labin, Christine Tocci, Maria Soulis, Nicolas Courjal, Marc Larcher. Et les récitants : Bartholomew Boutellis, Benjamin Tholozan.
les 1, 3 octobre à 20h, le 4 à 16h
Version africaine Impempe Yomlingo de Mark Dornford-May :
Les 8, 9, 10, 14, 15, 16 & 17 octobre à 20h, le 11 à 16h, le 18 à15h.
+33 (0)1 40 28 28 40 – www.chatelet-theatre.com
crédits photos : Marie-Noelle Robert