Lalalangue Prenez et mangez-en tous de Frédérique Voruz
La belle vengeance théâtrale d’une enfant blessée
Evitez d’avoir une mère alpiniste ! Surtout, quand celle-ci, en compagnie de son mari, dévisse dans les rochers de Cassis, perd une jambe dans l’accident et décide de se venger, sa vie durant, sur ses enfants. Pour faire face à la dureté d’une mère (qui se croit bonne en adorant Dieu et en se passionnant pour un misérable chanteur catholique), une seule réplique possible : le seul en scène vengeur. C’est que fait Frédérique Voruz, comédienne du Soleil, qui, là, se produit sans autre partenaire qu’une tournette de diapositives où se racontent les étapes douloureuses de son passé. Une seule réponse donc : le monologue furibond, mais dans la drôlerie, l’envie de vivre et de rire, la victoire de David contre Goliath.
Avec une mère pareille, oppressante, intolérante, égarée, on est chez les fous. La jeune Frédérique fait, d’une certaine façon, une psychanalyse - d’ailleurs, le titre Lalalangue reprend une formule de Lacan. La comédienne s’empare de cette démence quotidienne pour en tirer un récit picaresque et saignant. C’est féroce, à la mesure des blessures infligées. Dans un rythme soutenu et selon les variantes d’un jeu musclé, malicieusement réglé par Simon Abkarian lui-même, Frédérique Voruz prend, sans solennité et dans une truculence dadaïste, la défense de tous les enfants humiliés. Cette réponse de la bergère à son bourreau surclasse tant de one woman shows qui trichent sur le feu de la colère. Ici, la flamme est violente mais noble.
Lalalangue Prenez et mangez-en tous, « une revue familiale » de et avec Frédérique Voruz, « sous le regard bienveillant » de Simon Abkarian. Conseil artistique de Franck Pendino, création lumière Geoffroy Adragna, création son de Thérèse Spirli. Présenté par la Compagnie Aléthéia
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Théâtre du Soleil, tél. : 01 43 74 24 08, jusqu’au 9 février. (Durée : 1 h 15).
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