Paris - Théâtre du Châtelet - jusqu’au 31 janvier 2008

Véronique d’André Messager

Sous le charme douillet de la légèreté

Véronique d'André Messager

Si presque tout un chacun a sur le bout des lèvres les délicieuses rengaines que sont « Poussez, poussez l’escarpolette » ou « De-ci de-là, cahin-caha, va chemine, va trottine… », peu de monde a vu sur scène l’opérette en bulle de savon dont elles sont tirées, cette Véronique piquante avec laquelle André Messager, l’ami et complice de Fauré et de Debussy, fit fredonner tout Paris en 1898. On ne l’avait plus vue dans la capitale depuis plus de trois décennies et Jean-Luc Choplin, patron du Châtelet a eu le nez fin en le remettant enfin à l’affiche.

Il a eu du flair aussi – et un certain goût du risque – en confiant la mise en scène de ce petit bijou de divertissement à la française à une débutante au nom célèbre, Fanny Ardant, interprète au théâtre de Marguerite Duras et de Racine, actrice au cinéma avec François Truffaut, Claude Lelouch, Sydney Pollack… Intelligente et ne se poussant pas du col, elle a réussi une mise en scène sans prétention dans la légèreté, l’humour et ce chic qui va comme un gant à la musique de Messager. A sa création, l’œuvre se voulait nostalgique d’un temps révolu, mais encore proche, celui de Louis-Philippe, Fanny Ardant lui fait subir une transposition fidèle à son esprit, un écart d’un demi-siècle, soit les années cinquante de nos mères ou grands-mères, les jupes froufroutantes et les manches ballon de Dior et Givenchy, et l’insouciance de l’après-guerre…

Quand Brigitte Bardot et Audrey Hepburn faisaient rêver les jeunes filles en bourgeon

Tout comme Laurent Pelly fait appel à Agathe Mélinand pour rafraîchir les livrets d’Offenbach, Fanny Ardant a trouvé en Benoît Dutertre, fin connaisseur du monde de l’opérette, l’allié idéal pour un rafraîchissement des dialogues parlés d’Albert Vanloo et Georges Duval.. Rien d’ostentatoire non plus dans ce lifting qui rajeunit le langage sans jamais tomber dans la vulgarité… Nous voilà donc à Paris sous la IVème République au temps où les débutantes Brigitte Bardot et Audrey Hepburn faisaient rêver les jeunes filles en bourgeon.

Pastels de bonbonnière et humeur joyeuse

De la boutique du fleuriste Coquenard au Palais Garnier où se tient le grand bal de l’Opéra, en passant par le bucolique Tourne-Bride de Romainville, la magie des décors de Ian Falconer agit comme un philtre : utilisant le large fond de scène comme d’un écran géant, il y projette des séquences préalablement filmées, la rue, ses passants, ses voitures au premier acte, un lac, ses canots, ses rameurs au deuxième, et pour finir le grand escalier de Garnier en toute majesté. D’astucieux trucages mêlent les acteurs présents sur scène à ceux – les mêmes – qui défilent sur pellicule. L’illusion est parfaite et s’intègre à merveille aux toiles peintes de ses décors en trompe l’œil.. Les robes affriolantes et les costumes de Dominique Borg éveillent la nostalgie d’un temps, d’une mode où la vertu des femmes se conjuguait encore avec leur féminité. Pastels de bonbonnières et humeur joyeuse sont à l’image de cette gentille course poursuite sentimentale où le cœur et l’argent font couple sans complexe, à l’image surtout de la musique de Messager qui pétille comme un champagne frappé.

La frimousse et la musicalité d’Amel Brahim-Djelloul

Rien d’exceptionnel dans les voix, mais toutes justes et parfaitement à leur place. La mezzo autrichienne Doris Lamprecht campe une inénarrable comtesse entichée du capitaine des pompiers, Ingrid Perruche joue sur l’humour dans le rôle d’Agathe, l’épouse du pompier en question, Gilles Ragon toujours efficace fait les entremetteurs. Le beau Florestan est défendu avec panache par le l’excellent baryton allemand Dietrich Henschel plutôt imprévu dans ce répertoire de style crème Chantilly, Véronique enfin a la frimousse, la dégaine, l’abattage et la fine musicalité tout aussi inattendue d’Amel Brahim-Djelloul, découverte au Théâtre des Champs Elysées dans Monteverdi et Debussy… ( voir webthea des 24 octobre 2004 et 21 juin 2007).

Le charme serait à son zénith si Jean-Christophe Spinosi, baroqueux, mozartien hors pair, nouveau venu lui aussi dans le monde de l’opérette, y avait trouvé ses marques et son style. Comme si intimidé par la transparence d’un pur divertissement, il s’applique, dirait-on, à le prendre au sérieux.

Véronique d’André Messager, livret d’Albert Vanloo et Georges Duval, ensemble Matheus, direction Jean-Christophe Spinosi, mise en scène Fanny Ardant, décors Ian Falconer, costumes Dominique Borg, adaptation du livret Benoît Dutertre, lumières Roberto Venturi, chorégraphie Natalie van Parys. Avec Amel Brahim-Djelloul, Dietrich Henschel, Ingrid Perruche, Doris Lamprecht, Laurent Alvaro, Gilles Ragon, Patrice Lamure, Catherine Hosmalin.
Théâtre du Châtelet – jusqu’au 31 janvier 2008 – 01 40 28 28 40

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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