Angers-Nantes Opéra jusqu’au 20 décembre 2012

Un Chapeau de Paille d’Italie – Il Cappello di Paglia di Firenze de Nino Rota d’après Eugène Labiche

Labiche mis en musique par Nino Rota : un irrésistible divertissement à l’italienne

 Un Chapeau de Paille d'Italie – Il Cappello di Paglia di Firenze de Nino Rota d'après Eugène Labiche

Il faut décidément sillonner les maisons d’opéras régionales pour y respirer (voir et entendre) des crus lyriques nouveaux ou à redécouvrir. Angers-Nantes Opéra fait partie de ces havres de musique où l’imagination et l’audace se substituent au train-train des valeurs sûres. Ce Chapeau de Paille d’Italie d’un Nino Rota endiablé qui succède aux Deux Veuves mélancoliques de Smetana qui n’avait jamais été joué en France en apporte une fois la preuve.

L’incroyable cavalcade de la comédie d’Eugène Labiche et Marc Michel fait depuis longtemps le bonheur des scènes de théâtre. A Paris, la Comédie Française vient d’en donner une trépidante transposition au temps du plastique et du rock’n roll des années soixante dix du dernier siècle (voir la critique WT de Jean Chollet du 16 novembre 2012). A Nantes, c’est la musique délicieusement irrévérencieuse de Nino Rota qui fait tourner l’implacable horlogerie de ce vaudeville où un cheval gourmand, ayant au coin d’un bois, croqué la paille fine du chapeau d’une dame en galante compagnie militaire, déclenche une avalanche de poursuites et quiproquos au parfum surréaliste. Fadinard le propriétaire du cheval doit justement ce jour-là convoler en justes noces avec Elena la fille d’un pépiniériste provincial et grincheux. Pour ne pas encourir les foudres d’un mari violemment jaloux, la propriétaire du chapeau exige du propriétaire du cheval la restitution de son bien, gage de sa vertu. La course au galure est déclenchée drainant à sa suite les rencontres les plus improbables et les plus farfelues.

Un bijou de drôlerie

Nino Rota (1911-1979) doit sa renommée aux quelques 170 musiques de films composés pour les plus fameux cinéastes d’Italie dont Fellini constituait le sommet (La Strada, Dolce Vita, Prova d’Orchestra, Amarcord, Huit et demi, Fellini Roma, c’est lui…). Des musiques devenues indissociables des images, italiennes en diable puisant leurs sucs dans le patrimoine coloré de la Botte. Il ne s’en contenta guère, créant une petite série d’opéras dont ce Chapeau de Paille que lui inspira le vaudeville déjanté de Labiche. Le couvre chef coupable n’était plus simplement d’Italie mais plus précisément de Florence dont les brins de paille servaient à confectionner les plus beaux atours des élégantes. Il Cappello di Paglia de Firenze fut créé en 1955 à Palerme. C’est un bijou de drôlerie collant comme un gant de soie aux rocambolesques aventures de Labiche.

On l’a peu vu en France, au Châtelet de Paris en 1988, à Toulouse en 2000 dans une mise en scène de Nicolas Joël. Angers-Nantes-Opéra vient à point nommé, dans la foulée des réjouissances de fin d’année, combler cette inexplicable lacune. Car les fleurs dont s’ornent ce Chapeau baladeur sont celles d’un irrésistible divertissement, une « farce musicale » comme l’ont sous titrée Nino Rota et sa librettiste Ernesta Rinaldi. Aussi enlevé et rapide qu’un Rossini du meilleur cru, truffé de citations drolatiques – et même d’auto-citations – où l’on reconnaît les ancêtres, Verdi, Puccini, Bellini, et même, en clin d’œil, au moment où un orage vient inonder la scène, l’explosion d’une chevauchée bien wagnérienne. Rota s’amuse en virtuose et nous amuse avec des airs de bravoure finement ciselés, des valses qui font tourner les têtes et des marches blagueuses s’échappant des flûtes traversières.

A contrecourant de toutes les modes Patrice Caurier et Moshe Leiser, les deux metteurs en scène familiers d’Angers Nantes Opéra, ne pratiquent pas de grand écart dans le temps. Au contraire. Ce n’est pas celui de Rota qu’ils illustrent mais bien celui de Labiche, ce dix neuvième siècle d’une France napoléonienne où la police marchait au pas dans les rues de Paris, où l’on allumait les réverbères et les bougies pour éclairer les logis. A chaque scène son décor : on n’a pas lésiné sur les détails, l’appartement de Fadinard, l’atelier de la modiste, la tanière de Beaupertuis, le salon de la baronne, les détails du mobilier, les costumes aux robes froufroutantes, aux coiffes de dentelles, jusqu’au moindre personnage du chœur. Des faux nez, des faux ventres et des faux culs font au passage un salut joyeux aux silhouettes d’Honoré Daumier et de Bécassine.

Clowns chantants

Fadinard omniprésent, omni-galopant, demande du coffre, du souffle et une forme d’autodérision burlesque dont le ténor Philippe Talbot, enfant du pays, né à Nantes ne possède pas tout à fait le rayonnement mais dont il assure avec franchise et humour le parcours de combattant malgré lui. Sa tendre promise est l’exquise Hendrickje Van Kerkhove, soprano des Flandres belges qui roucoule des vocalises cristallines de reine de la nuit. Peter Kalman campe l’irascible futur beau-père avec les rondeurs d’un Auguste de cirque, Claudio Otelli met de la bonhomie dans les colères du cocu ahuri, en baronne vaporeuse si chic la mezzo italienne Elena Zilio est magistrale.

Manifestement la troupe prend plaisir à jouer les clowns chantants, tout comme les excellents musiciens de l’Orchestre National des Pays de Loire que dirige avec un entrain communicatif Giuseppe Grazioli, qui connaît Rota comme un frère.

Le Chapeau de Paille d’Italie – Il Cappello di Paglia di Firenze de Nino Rota d’après Un Chapeau de Paille d’Italie d’Eugène Labiche et Marc Michel, livret de Ernesta Rinaldi et Nino Rota. Orchestre National des Pays de la Loire, direction Giuseppe Grazioli, chœur d’Angers Nantes Opéra direction Sandrine Abello. Mise en scène Patrice Caurier et Moshe Leiser, décors Christian Fenouillat, costumes, maquillages et coiffures Agostino Cavalca, lumières Christophe Forey. Avec Philippe Talbot, Hendrickje Van Kerkhove, Peter Kalman, Boris Grappe, Elzbieta Szmytka, Claudio Otelli, Elena Zilio, Beau Palmer, Emmanuelle Giannino, Jean-Louis Meunier, Guy Etienne Giot.

Nantes – Théâtre Graslin, les 25, 27, 30 novembre et 4 décembre à 20h, le 2 décembre à 14h30 -
02 40 69 77 18

Angers – Grand Théâtre les 18 et 20 décembre à 20h, le 16 décembre à 14h30 -
02 41 2416 40

Photos Jef-Rabillon

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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