« Racines », jusqu’au 10 novembre à l’Opéra Bastille

Triptyque moderne au ballet de l’Opéra de Paris

Trois chorégraphes venus d’horizons culturels divers constituent le programme de rentrée du ballet de l’Opéra de Paris

Triptyque moderne au ballet de l'Opéra de Paris

La Russie pour George Balanchine, l’Afrique du sud pour Mthuthuzeli November et la Grèce antique pour Christopher Wheeldon. Sous le titre générique de Racines, le Ballet de l’Opéra de Paris présente trois pièces qui forment un panorama de la création chorégraphique moderne et contemporaine témoignant de sa vitalité et de la diversité de ses sources. Ce sont en effet des univers très différents qui sont à chaque fois évoqués auxquels la troupe s’adapte avec une ductilité remarquable. Les trois courtes pièces (une demi-heure chacune) s’enchaînent au cours de la soirée où les musiques d’ampleur quasi symphonique prennent une large part. Elles sont interprétées en live par l’Orchestre de l’Opéra de Paris placé sous la direction énergique et sensible du chef estonien Vello Pähn, un habitué de la maison.

Avec Thème et variations le chorégraphe russe George Balanchine (1904-1983) s’est emparé de la musique de Tchaïkovski pour rendre hommage à la tradition académique russe qui l’a formé. Entre 1947 où elle est ébauchée jusqu’à sa forme définitive où elle est donnée en 1970 à New York, la pièce agrège plusieurs morceaux de Tchaïkovski pas spécialement créés pour la danse. Le style du ballet en tutu et justaucorps rappelle de beaucoup la manière de Marius Petipa auquel se réfère constamment Balanchine. Particulièrement son ballet emblématique La Belle au bois dormant (sur une musique de Tchaïkovski composée, elle, expressément pour le ballet).

Les entrées y sont extrêmement hiérarchisées : d’abord la ballerine et le danseur noble, suivis de quatre demi-solistes, enfin huit danseuses du corps de ballet et leurs cavaliers. La chorégraphie recourt à un minimum de moyens pour produire un maximum d’effet. Les variations apparaissent comme le développement élaboré de pas de base de la danse classique : ronds de jambes sautés, piqués balancés en attitude, tours en l’air coupés de pirouettes, sauts de chat…

Le décor extrêmement épuré sur fond azur, tient en deux lustres monumentaux tombés des cintres. Extrêmement codé, et minutieusement réglé, le ballet au déroulement un rien ennuyeux requiert une virtuosité qui n’est pas toujours au rendez-vous.

Changement total d’atmosphère, de costumes et de décors, avec la pièce suivante Rhapsodies , sur la musique éponyme de George Gershwin. Le chorégraphe sud-africain Mthuthuzeli November, 32 ans, né dans un township près de Cape Town, réveille la salle, et la troupe qui danse pour la première fois une de ses pièces qui transpirent l’énergie urbaine. De même que la musique très tonique de George Gershwin dans Rhapsody in Blue mêle le jazz et la musique symphonique, le ballet sur pointes mêle danse académique, danse de rue et danse traditionnelle africaine. Dans ce melting-pot revigorant, les séquences apparaissent comme autant d’instantanés de vie.

A travers le décor fait de portiques cernés de néons, les danseurs se plient allègrement aux ruptures de rythme et se prêtent aussi bien au pas de deux des amants, qu’aux scènes de groupe jazzy et autres rites tribaux.

La soirée se conclut en apothéose avec Corybantic Games du chorégraphe anglais Christopher Wheeldon (né en 1973). Dans cette pièce, troisième de son cru à faire son entrée au répertoire de l’Opéra de Paris, le chorégraphe revendique l’héritage de la Grèce antique. Le ballet est réglé sur la Sérénade, œuvre pour violon et orchestre inspirée à Leonard Bernstein par le Banquet de Platon. Le titre du ballet Corybantic fait autant référence à la frénésie qui caractérisait la façon de diriger du compositeur qu’aux corybantes, les prêtres de la déesse Cybèle, la Grande Mère personnifiant la nature sauvage.

Par son langage néo-classique, le ballet structuré comme une symphonie composée de cinq mouvements distincts, explore les différentes facettes de l’amour : hétéro, gay, platonique, extatique… en faisant se multiplier les rencontres entre danseuses et danseurs sur pointes.

Les costumes en noir et blanc, signés par le créateur de mode Erdem Moralıoğlu, la scénographie et les lumières très graphiques évoquent sans emphase la grandeur de la Grèce antique. Le ballet, baignant dans une modernité souriante, apparaît comme le plus maitrisé du triptyque.

Racines, jusqu’au 10 novembre à l’Opéra Bastille, www.opéradeparis.fr
Avec les Étoiles, les Premières Danseuses, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’Opéra. Orchestre de l’Opéra national de Paris. Direction musicale : Vello Pähn
Photo Maria-Helena Buckley

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de...

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