Trio à cordes à Saint-Denis

Renaud Capuçon, Gérard Caussé, Edgar Moreau : où la partie d’alto se révèle la plus passionnante des trois.

Trio à cordes à Saint-Denis

On peut être légitimement déconcerté par l’acoustique de la basilique de Saint-Denis. Mais le Festival de Saint-Denis, qui a lieu chaque année au mois de juin, ne saurait se résumer aux seuls concerts donnés dans la basilique. Nombre d’entre eux ont lieu dans le cadre de la Maison d’éducation de la Légion d’honneur, splendide bâtiment agrémenté d’un parc dont on ne soupçonnerait pas la majesté ni l’ampleur quand on arpente les rues de la ville. Les concerts cependant ont lieu dans un salon de musique un peu trop vaste, qui est adapté à la musique sans avoir été réellement conçu pour elle. C’est dans cette salle un peu froide, un peu indifférente aussi, qu’a eu lieu le concert donné par trois célèbres musiciens français qui, chacun à sa manière, représentent une forme d’excellence : le violoniste Renaud Capuçon, l’altiste Gérard Caussé, le violoncelliste Edgar Moreau. Trois musiciens on ne peut plus différents cependant (par l’âge, par le style), réunis à l’occasion d’un concert tant il est vrai que les trios à cordes constitués ne sont pas légion.

Le programme comprenait des pages de Schubert et de Mozart. Un trio à cordes de Schubert, d’abord, non pas le Trio en si bémol majeur D 581 comme indiqué dans le programme, mais le Trio D 471 écrit dans la même tonalité, mais resté inachevé et conçu en un seul mouvement.

C’est dans le Duo K 423 de Mozart que le concert allait prendre son envol. Un duo ambigu et amoureux (on est à la fois très loin et très près de la Symphonie concertante pour violon et alto) dans lequel le violon semble mener la danse, mais dans lequel l’alto joue tous les rôles : accompagnateur, contradicteur, complice, tantôt à l’unisson du violon, tantôt en fuite. Il faut tout le talent, tout le sens des couleurs d’un Gérard Caussé pour faire pièce à un Renaud Capuçon uniformément brillant, qui va droit son chemin. Une impression qui se confirme dans le vaste Trio-Divertimento K 563 du même Mozart, composé pour Michael Puchberg, ami maçon du compositeur. Il s’agit là d’une partition fantasque en six mouvements, où des menuets inattendus succèdent à des mouvements lents célestes, et dans lequel c’est à l’alto qu’on s’intéresse d’abord, une fois de plus, quand bien même le violon serait paré de toutes les certitudes. On savoure le grain chaleureux, les humeurs passionnées d’un Caussé, ses écarts de dynamique et sa manière de constamment relancer l’intérêt, là où Edgar Moreau, sans doute à cause de l’acoustique de la salle, en est réduit au rôle ingrat de celui qui soutient. Gageons que dans un espace plus réduit, plus propice, le violoncelle du jeune musicien de vingt ans aurait tout autrement chanté. On pourra l’entendre, en attendant, le mardi 17 juin, dans les Variations rococo de Tchaïkovski. Ce sera dans la basilique.

photo : Gérard Caussé (dr)

Schubert : Trio à cordes n° 1 D 471. Mozart : Duo pour violon et alto K 423 - Trio-Divertimento K 563. Renaud Capuçon, violon ; Gérard Caussé, alto ; Edgar Moreau, violoncelle. Maison d’éducation de la Légion d’honneur, 14 juin 2014.
Prochains rendez-vous du festival : le 17 juin en compagnie d’Edgar Moreau et de l’Orchestre national d’Île-de-France, dir. Enrique Mazzola (Tchaïkovski) ; le 19 juin avec Julia Fischer et l’Orchestre philharmonique de Radio France, dir. Myung-Whun Chung (Mendelssohn Brahms) ; le 20 juin avec le Chœur de chambre de Namur et la Cappella Mediterranea, dir. Leonardo Garcia Alarcon (Falvetti, Il diluvio universale). Rens. 01 48 13 06 07 (www.festival-saint-denis.com).

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

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