Paris – Théâtre de l’Athénée jusqu’au 19 janvier 2014

THE RAPE OF LUCRETIA de Benjamin Britten

Le bel ouvrage de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris

THE RAPE OF LUCRETIA de Benjamin Britten

Alors que l’année du centenaire de la naissance de Benjamin Britten vient de s’achever sans grande commémoration en France, la reprise au Théâtre de l’Athénée de son premier opéra de chambre The Rape of Lucretia/Le viol de Lucrèce par les solistes de l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris nous apporte un double plaisir. Celui de réentendre cette musique quasi théâtrale par sa puissance évocatrice et celle de découvrir ou redécouvrir quelques perles rares du centre de perfectionnement qu’est l’Atelier Lyrique.

En juin 2007, la mise en scène de Stephen Taylor n’avait pas tout à fait convaincu (voir WT 1197). Sept ans plus tard son parti pris est resté le même – transposer la tragédie antique, censée se dérouler 500 ans avant notre ère, dans le temps des années de guerre vécues par Britten à la mi-temps du XXème siècle – mais son approche s’est épurée et sa direction d’acteurs nettement aiguisée. Le seul point faible reste celui des costumes surtout de l’affligeante disgrâce des uniformes féminins qui enlaidiraient la plus sexy des pin-ups. Pour le reste, le décor de Laurent Peduzzi, son plateau tournant et ses panneaux d’ocre pourpre se posant en murailles, tout comme les lumières de Christian Pinaud, fonctionnent sans faux pas.

Comme toujours à l’Atelier Lyrique une double distribution permet à ses pensionnaires de s’exprimer en alternance. Les 14, 16 et 18 janvier on a pu voir et entendre Agata Schmidt, mezzo-soprano polonaise dans le rôle-titre, frais minois et jolie présence qui se densifie dans le déroulement du drame jusqu’à en faire une authentique tragédienne. La voix, riche de couleurs, est chaleureuse, souple dans les graves, légère dans les aigus. Piotr Kumon, autre polonais au beau timbre baryton, fait de Tarquinius, l’Etrusque, l’empereur vainqueur d’une Rome occupée, une brute aux nerfs à fleur de peau. En Collatinus, l’époux trop envié d’une femme jusque-là modèle, Andriy Gnatiuk joue avec finesse du paradoxe de sa silhouette d’adolescent frêle et de la braise de sa voix de basse. Cornelia Oncioiu était déjà Bianca, la fidèle en 2007. Elle a quitté l’Atelier mais elle reprend le rôle, toujours maternelle, toujours attentive, la voix murie, le jeu encore plus sobre. Olga Seliverstova, gracieuse Lucia, donne quelques échantillons de vocalises d’une future colorature.

Ce Viol de Lucrèce, tiré de l’histoire de Rome rapportée par Tite-Live, a inspiré de nombreux rêveurs, poètes, peintres, hommes de théâtre. Après Shakespeare, le dramaturge française André Obey s’en empara en 1931. C’est à partir de sa pièce que Britten composa son Rape of Lucretia. En 1945, son premier opéra Peter Grimes remportait un succès qui allait devenir planétaire. Mais les temps de l’après-guerre étaient austères et c’est pourquoi sa deuxième œuvre lyrique fut conçue dans l’esprit d’un opéra de chambre à effectifs réduits. Un orchestre d’une dizaine d’instrumentistes et huit personnages sur scène. Deux d’entre eux, un homme, une femme, remplacent les chœurs antiques et servent de guides et de commentateurs. Deux rôles essentiels finement défendus ici par la jeune soprano roumaine Andreea Soare (Chorus féminin) et par Oleksiy Palchykov (Chorus masculin) qui par sa diction perlée (on le prendrait parfois pour un anglais de souche), sa fougue, son engagement total et sa voix lumineuse, crée le choc d’une découverte.

Le Balcon, l’orchestre actuellement en résidence à l’Athénée, prend avec bonheur la relève de L’Ensemble de Basse Normandie de 2007. On a pu en apprécier déjà la magnifique densité et l’imagination musicale l’été dernier dans Ariane à Naxos. Ici sous la direction enflammée, précise, toujours circonstanciée de Maxime Pascale, 28 ans, chaque instrumentiste devient solistes, colore le moindre détail de la partition de Britten, trace des ondes qui racontent des histoires.

The Rape of Lucretia de Benjamin Britten, livret Ronald Duncan d’après la pièce d’André Obey, ensemble Le Balcon, direction Maxime Pascal, mise en scène Stephen Taylor, scénographie Laurent Peduzzi, lumières Christian Pinaud, costumes Nathalie Prats. Avec, en alternance Agata Schmidt et Aude Extrémo, Piotr Kumon et Vladimir Kapshuk, Andriy Gnatiuk et Pietro Di Bianco, Tiago Matos et Damien Pass, Olga Seliverstova et Armelle Khourdoïan, Oleksiy Palchykov et Kévin Amiel, Andreea Soare et Elodie Hache, et Cornelia Oncioiu dans les deux distributions .

Théâtre de l’Athénée, les 15, 16, 17, 18 janvier à 20h, le 14 à 19h, le 19 à 16h.

01 53 05 19 19 – www.athenee-theatre.com

Photos Mirco Maggliocca - Opéra National de Paris

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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