Paris, Comédie Nation, tous les vendredis d’octobre

Sur liste rouge de Marc-Michel Georges

L’anti-Don Juan

 Sur liste rouge de Marc-Michel Georges

Sur un canapé rouge – et en se souvenant de numéros de téléphone tombés dans sa propre liste rouge, oubliés, inutilisés -, un homme égrène les souvenirs laissés par les femmes qui ont traversé sa vie. Quelques femmes. Juste cent cinquante-quatre ! Il n’en oublie aucune et passe en revue le moment où la séduction a eu lieu, celui où l’amour s’est fait et celui où la séparation s’est déclenchée. En général, ce ne furent que des aventures d’une nuit, très courtes en tout cas, comme si l’amour était impossible au-delà de quelques minutes d’éclat. Le conteur n’est pas fier. Il est l’anti-don Juan, l’anti-recordman. On pourra le juger machiste, mais il ne parade pas. Sa litanie n’est précisément pas une parade, mais un défilé d’échecs qu’il regarde étonné, déçu, caustique mais désespéré par lui-même autant que par ces rencontres belles ou ridicules, toujours sans lendemain.
Marc-Michel Georges a déjà donné plusieurs étapes de cette pièce, d’une telle difficulté – cent-cinquante mini-chapitres ! Il l’a créé naguère au Ciné 13 Théâtre, puis au théâtre 14, puis dans le off d’Avignon, puis récemment à la comédie Nation, où il le reprend. Pour les versions précédentes, il a bénéficié du regard de Jade Duviquet et Eric Latière. Il rend hommage à ces premiers collaborateurs dont les idées ne sont pas toutes effacées dans la nouvelle mise en scène de François Thomas. L’exploit est étonnant, précisément parce que Marc-Michel Georges ne cherche pas à mettre en relief la difficulté et la virtuosité. D’une voix intérieure, changeante, faussement détachée, il n’est jamais impudique dans l’impudeur. Dans ce long flash-back, il n’y a ni vainqueur, ni vaincues. C’est une quête sans victoire, un chant triste où la cruauté s’autorise de rares apparitions, des traits d’humour vite réfrénés. Il y a du Simenon là-dedans : du sexe dans la lumière de chambres trop banales. Mais Simenon ne chantait pas ! Marc-Michel Georges chante en fin de soirée, et il sait faire rire, même s’il s’oblige à ne pas provoquer les rires. Le moment – exceptionnel, sans équivalent - est très troublant, par son exercice littéraire, par son jeu et par son art de la confession qui ne devient claire que si le spectateur laisse remonter en lui ses propres errances.

Sur liste rouge de et avec Marc-Michel Georges, mise en scène de l’auteur et de François Thomas. Comédie Nation, tous les vendredis d’octobre, 18 h 45, tél. : 09 52 44 06 57. (durée : 1 h 15).

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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