On n’est pas là pour disparaître d’après Olivia Rosenthal
Effacement progressif du monde, une douleur silencieuse

Parler de la maladie d’Alzheimer n’est pas une mince affaire et pourtant Olivia Rosenthal nous emporte dans une sorte de kaléidoscope de voix multiples portées dans un seul souffle vertigineux par le comédien Yuming Hey. Passé le préambule très didactique, et un peu long, mais probablement nécessaire, sur l’histoire de la maladie, nous somme projetés dans un voyage funeste conduit par l’oubli de soi, des autres et du monde.
Fragile silhouette androgyne, le comédien semble traversé par toutes ces voix, celle de son épouse attentionnée, des proches, du narrateur, de monsieur T. On entend la souffrance intérieure de chacun, l’impuissance et surtout la solitude, l’enfermement, la disparition progressive comme une longue torture. Monsieur T, victime de la maladie, a tenté d’assassiner son épouse de cinq coups de couteaux dans un accès de démence rare, mais connu. Pourtant, cet homme n’est pas violent, mais sa femme est le témoin de sa vie d’avant dont il est maintenant exclu. Son geste meurtrier était peut-être un geste de désespoir, une tentative d’effacement définitive pour en finir avec ce calvaire. C’est bien une impression troublante d’effacement que nous ressentons face à ce tout jeune homme immobile, vêtu de blanc, par la bouche duquel parle un vieil homme. La mise en scène de Mathieu Touzé est clinique ; des images de neurones abstraites alternent avec des sortes d’interludes en forme d’exercices absurdes commentés en voix off par Marina Hands. La guitare de Rebecca Meyer accompagne en direct le spectacle. Dommage que le texte perde de sa puissance émotionnelle dans une mise en scène quelque peu aseptisée.
On n’est pas là pour disparaître d’après le roman d’Olivia Rosenthal. Mise en scène et adaptation Mathieu Touzé. Avec Yuming Hey. Musique Rebecca Meyer.Et la voix de Marina Hands de la Comédie-Française. Création video Justine Emard. A Paris, au Théâtre 14 jusqu’au 18 février 2023. Durée : 1h15.
www.theatre14.fr
texte publié aux éditions Gallimard
© Christophe Raynaud De Lage