Mülheim : le théâtre arabe en exil

Un festival allemand tourné vers la Syrie, l’Irak et le Liban

Mülheim : le théâtre arabe en exil

Aider et faire connaître le théâtre arabe, et particulièrement les troupes des pays qui survivent aux guerres et aux migrations (ces compagnies sont généralement en exil), c’est un objectif que peu de théâtres se sont fixés. En Allemagne, le Theater an der Ruhr, à Mülheim – à côté de Duisburg, pas très loin de Cologne – montre combien les artistes européens peuvent avoir cette politique artistique altruiste, s’ils le veulent. L’un des responsables du théâtre de Mülhein, Rolf Hemke, accueille là, depuis quelques années, des équipes du Proche-Orient. Le festival du théâtre de Mühlein a permis de voir coup sur coup Carnivorous du Libanais Issam Bou Khaled, X-Adra par le Syrien Ramzy Choukair, Kharif – Herbst de l’Irakien Sameem Hasab Allah (d’après Haute Surveillance de Genet) et Ya Kebir du collectif syrien Ma’louba. Un colloque a donné la parole aux écrivains syriens Wassim Ghrioui, Wihad Sulaiman, Mudar Al Haggi. Certains de ces artistes et écrivains ont connu l’errance parmi les déplacements des migrants et aussi la prison. Les témoignages qu’ils ont livrés ont été bouleversants. Parmi les spectacles, X-Adra retient particulièrement l’attention ; c’est une production franco-syrienne où s’est impliquée la Filature de Mulhouse (le spectacle y a été donné en janvier et fera l’objet d’une tournée française en 2019) : des femmes, qui, à présent habitent l’Allemagne, la France et les Etats-Unis, y racontent elles-mêmes ce qu’elles ont vécu, les épreuves qu’elles ont traversées. C’est poignant, d’une grande force pudique, mis en scène dans le souvenir des tragédies antiques. Mais le théâtre, c’est aussi de la fiction. Dans les autres spectacles, les artistes ont su inventer au-delà du témoigage et des faits bruts.
Les responsables du théâtre français ne sont pas indifférents à ces formes d’expression en langue arabe et à cette terrible actualité. L’organisme de diffusion, l’Onda, s’apprête à amplifier son soutien. Mais le festival de Mülheim se situe à un niveau supérieur, puisqu’il a rassemblé plusieurs pays et plusieurs troupes. Rolf Hemke a effecuté un travail remarquable, qu’il ira poursuivre à Weimar puisqu’il quitte Mülheim pour prendre la direction du théâtre de cette capitale culturelle.
A Mülheim, la possiblité nous a été donnée de rencontrer l’un des directeurs historiques du théâtre, l’italo-allemand Roberto Ciulli. Ce grand personnage est plus connu dans l’Europe orientale que dans l’Europe occidentale mais il a rénové la mise en scène des classiques au même titre que des Langhöff, Stein, Brook, Mnouchkine ou Chéreau. Il termine actuellement une trilogie sur les clowns, Clowns in sturm, dont un volet sera donné au prochain festival de Naples, en juin. En même temps, il monte aussi, à Mülheim, Quartett d’Heiner Müller (avec un acteur africain) et Le Petit Prince de Saint-Exupéry ! Infatigable à plus de 80 ans, il est une figure romanesque, provocatrice et joyeuse dont il serait temps d’inviter les spectacles en terre française.

Theater an der Ruhr
Akazienallee 61
45478 Mülheim an der Ruhr
Tel. : 0208 59901 88, 
www.theater-an-der-ruhr.de 

Photo : X-Adra, photo Ahmed Naji.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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